Note d’étape sur l’évaluation des ordonnances relatives au dialogue social et aux relations de travail.

Cette note d’étape vise à rendre compte des travaux du comité depuis son installation le 16 novembre 2017. Elle ne constitue pas un exercice d’évaluation des effets des ordonnances, mais un examen de leur déploiement : en 2018, le comité a suivi, à partir de différentes sources, la façon dont les acteurs s’appropriaient les dispositions des ordonnances et commençaient à les mettre en œuvre dans les premiers mois d’application. Ce faisant, il a posé les bases de travaux d’évaluation de moyen et long terme, qualitatifs et quantitatifs.

Le document présente d’abord quelques éléments du contexte dans lequel les ordonnances se sont déployées (chapitre 1) : contexte économique et particularités du marché du travail en France ; historique des évolutions législatives et concomitance avec d’autres réformes sur des sujets connexes ; état du dialogue social et mise en perspective internationale soulignant des tendances communes à la plupart des pays européens. Ce rappel permet de souligner que les premiers éléments descriptifs recensés doivent s’apprécier à la lumière d’un contexte conjoncturel et institutionnel préexistant aux ordonnances ; mais aussi que l’exercice d’évaluation à venir aura pour enjeu de dissocier les effets des ordonnances d’autres effets imbriqués.

Le document rappelle ensuite différents éléments sur l’état de la perception et de la connaissance des dispositions des ordonnances avant l’été 2018, c’est-à-dire au tout début de leur mise en œuvre (chapitre 2). Sur la base de sondages et d’auditions, il apparaissait notamment que le contenu des ordonnances était dans l’ensemble connu mais restait encore flou. Les mesures qui retenaient le plus l’attention des acteurs étaient celles relatives à la rupture des contrats de travail, la possibilité de négocier avec un salarié mandaté ou élu en l’absence d’un délégué syndical ainsi que le remplacement des instances représentatives du personnel par le Comité social et économique (CSE).

Les possibilités nouvelles de négocier sur de nouveaux sujets et de réorganiser les modalités du dialogue social dans l’entreprise semblaient moins bien appréhendées. Depuis l’été 2018, différentes sources (données administratives et nouvelles auditions par les coprésidents) ont été mobilisées pour compléter ce premier éclairage, en particulier sur la création des CSE (chapitre 3). Au 1er novembre 2018, on recense ainsi près de 10 500 établissements ayant mis en place un CSE : la plus grande partie de la mise en œuvre des ordonnances sur le CSE est donc à attendre en 2019. Le rythme des élections professionnelles semble s’être ralenti en 2018, comparé au cycle électoral précédant, ce qui tend à confirmer que dans les entreprises, dirigeants et représentants des salariés ont dans un premier temps abordé assez prudemment les nouvelles règles, pour se les approprier, en différant dans certains cas leurs élections professionnelles.

Les témoignages recensés par différentes auditions ont confirmé qu’à ce jour l’attention de ces acteurs est très largement focalisée sur la mise en place des CSE, et qu’il y a peu d’appétence pour la création de conseils d’entreprise. Il en ressort également que cette mise en place peut s’effectuer avec deux approches différentes : une simple application a minima d’une disposition obligatoire, adaptant juste les structures de représentation existantes ; ou au contraire avec une réflexion d’ensemble permettant d’initier, à partir de l’élection du CSE, une nouvelle dynamique pour le dialogue social.

Si des exemples de démarche du second type existent, il est pour l’instant vraisemblable que la première option soit la plus fréquente, avec différents points d’attention soulignés :

  • l’absence de diagnostic partagé sur le fonctionnement d’ensemble du dialogue social et de la négociation dans l’entreprise ;
  • la focalisation sur les moyens de ces nouvelles instances, la diminution du nombre d’élus ou d’heures de délégation ;
  • des inquiétudes sur le devenir des anciens élus ;
  • une interrogation fréquente sur le choix du périmètre des CSE et de leur centralisation dans les entreprises multi-établissements, qui a comme corollaire l’enjeu de proximité et de désignation de représentants locaux.

En dehors des entreprises, les ordonnances prévoient la création d’observatoires départementaux d’analyse et d’appui au dialogue social. Quatre-vingt seize observatoires ont ainsi été installés : les premières réunions ont été principalement consacrées à leur fonctionnement (composition, moyens et formation des membres), et quelques initiatives ont été élaborées pour appréhender ou appuyer le dialogue social dans les entreprises de moins de 50 salariés.

En matière de négociation collective, les données administratives permettent de faire un premier recensement de nouveaux types d’accords, du fait de leur modalité de ratification ou de leur contenu. Environ 500 accords ratifiés par référendum au sein d’entreprises de 1 à 20 salariés ont pu être repérés au 8 octobre 2018. Ils abordent de façon très majoritaire des questions relatives au temps de travail. On dénombre par ailleurs 47 accords de performance collective qui portent sur la mobilité interne, le temps de travail et/ou la rémunération, comme le prévoit la loi. Seul un accord traite des trois sujets à la fois et la majorité ne porte que sur un seul sujet.

Enfin trois accords de branche ont été enregistrés sur les nouveaux sujets relatifs aux contrats de chantier et CDD/CTT.

Ces éléments quantitatifs doivent être appréhendés avec précaution, le dénombrement d’accords de performance ou d’accords ratifiés par référendum demeurant imparfait. Faute d’analyse qualitative de ces textes et de la façon dont ils ont été élaborés, il n’est pas possible d’en inférer des enseignements sur les évolutions induites par les ordonnances.

Sur les dispositions des ordonnances relatives à la gestion de l’emploi dans les entreprises, au 1er septembre 2018 on dénombre 69 procédures de ruptures conventionnelles collectives initiées (à 80 % dans des établissements de plus de 250 salariés) dont 43 ont été à ce stade validées. Les établissements concernés se concentrent dans les régions qui sont aussi celles les plus souvent confrontées aux licenciements économiques.

S’agissant du contentieux lié aux licenciements individuels, le nombre de demandes déposées auprès des conseils de prud’hommes a été divisé par deux en vingt ans (120 000 en 2017 contre 240 000 en 1998). Cette baisse s’explique principalement par la mise en place de la rupture conventionnelle (individuelle) en 2008 et par les changements de procédures introduits en 2016. Depuis 2017, on ne constate pas de baisse dispositions des ordonnances – en particulier le barème qui encadre les indemnités accordées par le juge en cas de licenciement irrégulier –, que ce soit sur le nombre de recours ou sur leurs motifs (éventuel glissement vers des motifs de nullité tels que la discrimination pour s’affranchir de l’application du barème).

Enfin, cette note d’étape rappelle les enjeux méthodologiques de l’évaluation et mentionne les travaux du comité à venir (chapitre 4). Une enquête dans 40 entreprises permettra, au premier semestre 2019, d’aller plus loin dans une analyse qualitative des premières mises en œuvre des ordonnances, notamment en matière de comités sociaux et économiques (CSE). L’année 2019 sera aussi consacrée au lancement de travaux d’évaluation à plus long terme de ces dispositions.

 

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