Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 9 décembre 2021, 20-13.857, Inédit
Cour de cassation – Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 20-13.857
- ECLI:FR:CCASS:2021:C201198
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Décision attaquée : Cour d’appel de Nancy, du 29 mars 2019
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 DÉCEMBRE 2021
2°/ à la caisse primaire d’assurance maladie de la Meuse, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [J], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d’assurance maladie de la Meuse, et l’avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 21 octobre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Nancy, 29 mars 2019), la caisse primaire d’assurance maladie de la Meuse (la caisse) a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, l’accident dont a été victime, le 29 juillet 2013, Mme [J] (la victime), salariée de Mme [I] (l’employeur).
2. La victime a saisi une juridiction de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La victime fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable, alors :
« 1°/ qu’aux termes des observations qu’elle lui avait adressées, par courrier daté du 17 octobre 2013, faisant suite au contrôle effectué le 15 octobre 2013, l’inspection du travail avait demandé à l’employeur de veiller au respect des articles L. 4121-1, R. 4224-11 et R. 4224-12 du code du travail relatifs aux obligations de l’employeur en matière de santé et sécurité au travail et notamment en matière de sécurité des portes, et l’avait expressément invitée à prendre des mesures en ce sens ; qu’en affirmant, pour exclure toute faute inexcusable de l’employeur, que selon un courrier du 17 octobre 2013, l’inspection du travail, après contrôle du 15 octobre 2013, n’a relevé aucun défaut de la porte métallique et aucune anomalie en lien avec l’accident de la victime, de sorte que l’employeur ne pouvait avoir une conscience pleine et entière du risque auquel sa salariée était exposée, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du courrier du 17 octobre 2013 de l’inspection du travail qui demandait précisément à l’employeur de prendre des mesures afin de se conformer aux règles de sécurité imposées par le code du travail, et a ainsi méconnu le principe qui interdit au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;
2°/ que l’employeur commet une faute inexcusable dès lors qu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ; qu’en se bornant à énoncer, pour exclure toute faute inexcusable de l’employeur, que la porte métallique impliquée dans l’accident de la victime n’a jamais connu de dysfonctionnement et qu’un contrôle de l’inspection du travail n’avait relevé aucun défaut ni anomalie en lien avec l’accident, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si les dispositions réglementaires en matière de sécurité au travail avaient bien été respectées par l’employeur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
4. Pour dire que l’employeur n’a pas commis de faute inexcusable, la cour d’appel retient que la porte métallique impliquée dans l’accident n’a jamais connu de dysfonctionnement et que selon un courrier du 17 octobre 2013, l’inspection du travail, après contrôle de la Boucherie [I] du 15 octobre 2013, n’a relevé aucun défaut de la porte métallique et aucune anomalie en lien avec l’accident, de sorte que l’employeur ne pouvait avoir une conscience pleine et entière du risque auquel sa salariée était exposée.
5. De ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel a pu déduire, hors toute dénaturation, que l’employeur n’a pas commis de faute inexcusable.
6. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [J] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille vingt et un, et signé par lui et Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour Mme [J]
Mme [H] [J] fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir déboutée de sa demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, et de l’avoir déboutée de sa demande en réparation de l’intégralité de son préjudice et de sa demande d’expertise médicale ;
AUX MOTIFS QUE sur la reconnaissance de la faute inexcusable, il résulte de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale que lorsque l’accident ou la maladie est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire, qu’en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité ; que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens des dispositions du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ; que c’est au salarié, ou ses ayants droit, qui prétend à une indemnisation complémentaire, qu’il appartient d’apporter la preuve que son employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ; qu’il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident subi par le salarié mais il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes – en ce comprise la faute d’imprudence de la victime – auraient concouru au dommage ; qu’en l’espèce, en application de ces dispositions, il appartient à Mme [H] [J], qui allègue l’existence d’une faute inexcusable de son employeur de démontrer que Mme [G] [I] l’a exposée à un risque dont elle avait ou aurait dû avoir conscience du danger et que cette dernière n’a pas pris les mesures nécessaires pour préserver ses conditions de travail et sa santé ; que sur l’exposition aux risques, Mme [H] [J] était salariée de Mme [G] [I], en qualité de vendeuse en charcuterie depuis 1997 ; qu’elle était ainsi amenée à se déplacer dans la boucherie pour se rendre de la salle de vente aux réserves et aux vestiaires, et donc à emprunter une porte métallique coulissante s’ouvrant du bas vers le haut ; que le 29 juillet 2013, Mme [G] [I] a été victime d’un accident du travail dont les circonstances ont été relevées par l’enquête administrative qui a suivie ; qu’il ressort des pièces versées au débat, et notamment des déclarations de la salariée et des observations du contrôleur du travail en date du 17 octobre 2013, que la porte métallique menant aux vestiaires est retombée sur le pied gauche de Mme [H] [J], lui occasionnant une blessure, alors qu’elle la refermait ; que cet accident s’est produit en l’absence de témoin, mais les éléments rapportés ne sont contestés par aucune des parties ; qu’en conséquence, des circonstances de l’accident, il apparaît que Mme [G] [I] a exposé Mme [H] [J] à un risque, notamment d’écrasement, en obligeant ses salariés à emprunter une porte métallique coulissante s’ouvrant du bas vers le haut pour se rendre aux vestiaires et aux réserves depuis la salle de vente ; que sur la conscience du danger, s’agissant de la condition tenant à la conscience du danger, l’employeur doit avoir ou aurait dû avoir, compte tenu de son activité, de son importance mais aussi de l’emploi du salarié, connaissance du danger auquel le salarié était exposé ; qu’il est constant que la seule exposition à un risque en rapport avec les gestes ou postures de travail propres à certaines activités professionnelles ne suffit pas à caractériser la conscience du danger et qu’il appartient au salarié, à qui incombe la charge de la preuve de la faute inexcusable d’établir que l’employeur en raison de circonstances particulières pouvait envisager comme probable la survenance d’un accident du travail ; qu’en l’espèce, Mme [H] [J] avance que son employeur ne pouvait ignorer la dangerosité de cette porte, d’un poids de 250 kilogrammes, qui ne disposait d’aucun système permettant d’amortir ou de freiner sa descente, malgré les observations de l’inspection du travail ; que néanmoins, ces éléments ne sont corroborés par aucune pièce et ne résultent que des seules déclarations de Mme [H] [J] ; qu’il ressort à l’inverse des éléments rapportés que la porte métallique impliquée dans l’accident de Mme [H] [J] n’a jamais connu de dysfonctionnement, ce que l’intéressée ne conteste pas ; que par ailleurs, selon un courrier du 17 octobre 2013, l’inspection du travail, après contrôle de la boucherie [I] du 15 octobre 2013, n’a relevé aucun défaut de la porte métallique et aucune anomalie en lien avec l’accident de Mme [H] [J] ; qu’enfin, s’il ressort de la décision de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées en date du 10 novembre 2009 que Mme [H] [J] était reconnue travailleur handicapé, aucune fiche médicale d’inaptitude établie par la médecine du travail n’a interdit ou restreint l’utilisation de cette porte par la salariée ; que dans ces conditions, Mme [G] [I] ne pouvait pas avoir une conscience pleine et entière du risque auquel Mme [H] [J] était exposée ; que sur l’absence de protection, Mme [H] [J] affirme que son employeur n’avait pris aucune mesure pour éviter la survenance d’un accident corporel causé par la chute de la porte coulissante, hormis la présence d’un boudin en caoutchouc destiné à amortir sa chute, qu’elle précise que la seule consigne donnée était de retenir la porte par une corde pour éviter qu’elle n’abîme le carrelage au sol ; que néanmoins, la salariée n’apporte aucun élément à l’appui de cette affirmation, contredite par Mme [G] [I] qui déclare que la corde mise en place était destinée à faciliter l’ouverture de la porte par Mme [H] [J] en raison de sa petite taille et que le boudin en caoutchouc est lui bien destiné à limiter le risque d’accident grave en cas de chute ; que par ailleurs, en l’absence de démonstration d’un dysfonctionnement de la porte coulissante, aucun élément rapporté ne justifie la mise en place de mesures de protection supplémentaires ; que dès lors, aucun manquement de l’employeur en rapport avec la survenance de l’accident de Mme [H] [J], qui disposait de toutes les connaissances et compétences requises pour manipuler cette porte, ne peut être constaté ; qu’en conséquence, la cour constate que, malgré sa gravité, l’accident de Mme [H] [J] n’est pas dû à la faute inexcusable de son employeur ;
ET AUX MOTIFS QUE, sur les demandes d’expertise médicale et d’indemnisation, Mme [H] [J] ne démontrant pas que son dommage est dû à la faute inexcusable de son ancien employeur, il convient de rejeter sa demande d’expertise médicale, sa demande d’indemnisation et les demandes subséquentes ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions et Mme [H] [J] déboutée de l’ensemble de ses demandes ;
1°) ALORS QU’aux termes des observations qu’elle lui avait adressées, par courrier daté du 17 octobre 2013, faisant suite au contrôle effectué le 15 octobre 2013, l’inspection du travail avait demandé à Mme [G] [I] de veiller au respect des articles L.4121-1, R.4224-11 et R.4224-12 du code du travail relatifs aux obligations de l’employeur en matière de santé et sécurité au travail et notamment en matière de sécurité des portes, et l’avait expressément invitée à prendre des mesures en ce sens ; qu’en affirmant, pour exclure toute faute inexcusable de l’employeur, que selon un courrier du 17 octobre 2013, l’inspection du travail, après contrôle de la boucherie [I] du 15 octobre 2013, n’a relevé aucun défaut de la porte métallique et aucune anomalie en lien avec l’accident de Mme [H] [J], de sorte que Mme [G] [I] ne pouvait avoir une conscience pleine et entière du risque auquel Mme [H] [J] était exposée, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du courrier du 17 octobre 2013 de l’inspection du travail qui demandait précisément à l’employeur de prendre des mesures afin de se conformer aux règles de sécurité imposées par le code du travail, et a ainsi méconnu le principe qui interdit au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;
2°) ALORS QUE l’employeur commet une faute inexcusable dès lors qu’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ; qu’en se bornant à énoncer, pour exclure toute faute inexcusable de l’employeur, que la porte métallique impliquée dans l’accident de Mme [H] [J] n’a jamais connu de dysfonctionnement et qu’un contrôle de l’inspection du travail n’avait relevé aucun défaut ni anomalie en lien avec l’accident, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si les dispositions réglementaires en matière de sécurité au travail avaient bien été respectées par l’employeur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale.ECLI:FR:CCASS:2021:C201198