jurisprudence

activités sociales et culturelles; condition d’ancienneté

3 avril 2024 Cour de cassation Pourvoi n° 22-16.812

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 AVRIL 2024

Le syndicat CGT des salariés de la société Groupama, Groupama assurances crédit et autres, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 22-16.812 contre l’arrêt rendu le 24 mars 2022 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l’opposant :

1°/ au comité social et économique Groupama assurances mutuelles,

2°/ à la Caisse nationale de réassurance mutuelle agricole Groupama,
tous deux ayant leur siège [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat CGT des salariés de la société Groupama, Groupama assurances crédit et autres, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat du comité social et économique Groupama assurances mutuelles, et l’avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 6 mars 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Sommé, Bouvier, Bérard, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, Arsac, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte au syndicat CGT des salariés de la société Groupama, Groupama assurances crédit et autres (le syndicat) du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la caisse nationale de réassurance mutuelle agricole Groupama.

Faits et procédure

2. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 24 mars 2022), le comité social et économique de Groupama assurances mutuelles (le comité) a décidé, lors de la réunion du 10 septembre 2019 consacrée aux activités sociales et culturelles, de modifier l’article 1.1.2 du règlement général relatif aux activités sociales et culturelles afin d’instaurer un délai de carence de six mois avant de permettre aux salariés nouvellement embauchés de bénéficier des activités sociales et culturelles et ce à compter du 1er janvier 2020.

3. Le 12 février 2020, le syndicat a fait assigner le comité et la caisse nationale de réassurance mutuelle agricole Groupama devant le tribunal judiciaire selon la procédure d’assignation à jour fixe en demandant au tribunal de dire illicite cet article 1.1.2 et de l’annuler.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. Le syndicat fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes tendant à juger illicite l’article 1.1.2 du règlement du comité relatif au délai de carence et à annuler cette disposition, alors « que la seule qualité de salarié ouvre droit au bénéfice des activités sociales et culturelles ; que si le comité social et économique peut instaurer des critères de modulation pour l’attribution des activités sociales et culturelles, il ne peut exclure totalement un salarié du bénéfice de ces activités ; qu’en l’espèce, il est constant que le comité a conditionné l’attribution des activités sociales et culturelles à l’acquisition d’une ancienneté minimale, ce dont il résultait que les salariés n’ayant pas acquis cette ancienneté étaient exclus du bénéfice des activités sociales et culturelles, nonobstant l’instauration d’une période de latence de trois mois permettant seulement de conserver un statut d’ouvrant droit ; qu’en refusant d’annuler la disposition litigieuse, quand il résultait de ses propres constatations que ce critère conduisait à exclure des salariés du bénéfice des activités sociales et culturelles, la cour d’appel a violé les articles L. 2312-78 et R. 2312-35 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2312-78 et R. 2312-35 du code du travail :

5. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 2312-78, le comité social et économique assure, contrôle ou participe à la gestion de toutes les activités sociales et culturelles établies dans l’entreprise prioritairement au bénéfice des salariés, de leur famille et des stagiaires, quel qu’en soit le mode de financement, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat.

6. Aux termes de l’article R. 2312-35 du même code, les activités sociales et culturelles établies dans l’entreprise au bénéfice des salariés ou anciens salariés de l’entreprise et de leur famille comprennent :
1° Des institutions sociales de prévoyance et d’entraide, telles que les institutions de retraites et les sociétés de secours mutuels ;
2° Les activités sociales et culturelles tendant à l’amélioration des conditions de bien-être, telles que les cantines, les coopératives de consommation, les logements, les jardins familiaux, les crèches, les colonies de vacances ;
3° Les activités sociales et culturelles ayant pour objet l’utilisation des loisirs et l’organisation sportive ;
4° Les institutions d’ordre professionnel ou éducatif attachées à l’entreprise ou dépendant d’elle, telles que les centres d’apprentissage et de formation professionnelle, les bibliothèques, les cercles d’études, les cours de culture générale ;
5° Les services sociaux chargés :
a) De veiller au bien-être du salarié dans l’entreprise, de faciliter son adaptation à son travail et de collaborer avec le service de santé au travail de l’entreprise ;
b) De coordonner et de promouvoir les réalisations sociales décidées par le comité social et économique et par l’employeur ;
6° Le service de santé au travail institué dans l’entreprise.

7. Il résulte de ces textes que, s’il appartient au comité social et économique de définir ses actions en matière d’activités sociales et culturelles, l’ouverture du droit de l’ensemble des salariés et des stagiaires au sein de l’entreprise à bénéficier des activités sociales et culturelles ne saurait être subordonnée à une condition d’ancienneté.

8. Pour rejeter les demandes tendant à dire illicite et à annuler l’article 1.1.2 du règlement imposant un délai de carence de six mois d’ancienneté à tout nouvel embauché pour obtenir le statut d’ouvrant-droit aux activités sociales et culturelles, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la condition tenant à une ancienneté de six mois dans l’entreprise pour bénéficier des activités sociales et culturelles est appliquée de la même manière à l’ensemble des salariés, lesquels sont tous placés dans la même situation au regard d’un critère objectif qui ne prend pas en compte les qualités propres du salarié, que les critères considérés comme discriminants pour exclure certains salariés de l’attribution des activités sociales et culturelles sont la prise en compte de l’appartenance syndicale et la catégorie professionnelle, que le comité est légitime, dans l’intérêt même des salariés, à rechercher à éviter un effet d’aubaine résultant de la possibilité de bénéficier, quelle que soit l’ancienneté, des actions sociales et culturelles du comité réputées généreuses.

9. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il met hors de cause la caisse nationale de réassurance mutuelle agricole Groupama, l’arrêt rendu le 24 mars 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Annule l’article 1.1.2, relatif au délai de carence, du règlement du comité social et économique de Groupama assurances mutuelles, modifié le 10 septembre 2019, consacré aux activités sociales et culturelles ;

Condamne le comité social et économique Groupama assurances mutuelles aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes, y compris celles formées devant les juges du fond ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-quatre.

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