jurisprudence

L’employeur ne peut pas mettre des salariés protégés en chômage partiel sans leur accord…

Références

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 19 janvier 2011
N° de pourvoi: 09-43194
Non publié au bulletin Rejet

M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Roger et Sevaux, avocat(s)

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’ordonnance attaquée (conseil de prud’hommes de Montbéliard, 20 août 2009), que la société Trecia, qui avait à faire face à une importante diminution d’activité, a décidé, après consultation du comité d’entreprise, de plusieurs mesures de chômage partiel au 4e trimestre 2008 ; que M. X… et cinq autres représentants du personnel de cette entreprise ont saisi la formation des référés du conseil de prud’hommes d’une demande en paiement d’un complément de salaire pour les périodes pendant lesquelles ils ont été placés en chômage partiel en alléguant que l’employeur ne pouvait pas unilatéralement leur imposer, sans leur accord, cette mesure qui modifiait leur contrat de travail ou leurs conditions de travail ;


Sur le premier moyen :



Attendu que la société Trecia fait grief à l’ordonnance de la condamner au paiement de rappels de salaires alors, selon le moyen :



1°/ qu’excède ses pouvoirs la formation de référé qui accorde aux défendeurs, non des provisions, mais les rappels de salaires qu’ils réclament ; qu’en accordant, dès lors, à MM. X…, Y…, Z…, A…, B… et C… des sommes à titre de salaire pour les mois de janvier et février 2009, la formation de référé du conseil de prud’hommes a excédé ses pouvoirs et violé les dispositions de l’article R. 1455-7 du code du travail ;



2°/ que la formation de référé ne peut accorder de provision au créancier qu’à la condition que l’existence de l’obligation ne soit pas sérieusement contestable ; qu’en se contentant d’accorder à MM. X…, Y…, Z…, A…, B… et C… des sommes à titre de salaire pour les mois de janvier et février 2009, sans même caractériser en quoi l’obligation dont ils se prévalaient n’était pas sérieusement contestable, la formation de référé du conseil de prud’hommes a privé sa décision de base légale au regard de l’article R.1455-7 du code du travail ;



Mais attendu que le conseil de prud’hommes, après avoir relevé que l’employeur ne pouvait pas mettre des salariés qui étaient protégés en chômage partiel sans leur accord, ce qui constituait une mesure manifestement illicite, a pu sans excéder ses pouvoirs, ordonner le paiement du rappel de salaire correspondant aux périodes de chômage partiel indûment retenu ; que le moyen n’est pas fondé ;


Et sur le second moyen :

Attendu que la société fait encore grief à l’ordonnance d’avoir ainsi statué alors, selon le moyen, que le principe du chômage partiel qui ne résulte pas d’une décision unilatérale de l’employeur, mais d’un accord collectif conclu avec les organisations syndicales représentatives, et qui est mis en oeuvre en concertation avec les institutions représentatives du personnel, s’impose à tous les salariés, y compris les salariés protégés ; qu’en se contentant d’affirmer qu’aucune modification du contrat de travail ni aucun changement des conditions de travail ne pouvaient être imposés à un salarié protégé sans son accord, sans répondre au moyen des conclusions de la société Trecia tiré de ce que la mise en oeuvre du chômage partiel ne résultait pas en l’occurrence d’une décision unilatérale de sa part mais d’un accord collectif, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;



Mais attendu que l’accord collectif du 1er septembre 2006 sur la modulation précise seulement les conditions et les procédures dans lesquelles l’employeur peut décider ultérieurement de recourir au chômage partiel, après accord avec les organisations syndicales et consultation du comité d’entreprise, compte tenu du dispositif de modulation convenu; qu’il en résulte qu’en l’absence de nouvel accord, la décision de mise en chômage partiel prise par l’employeur est unilatérale ; que le conseil de prud’hommes, qui n’avait pas à s’expliquer sur des conclusions qui étaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ;



PAR CES MOTIFS :



REJETTE le pourvoi ;



Condamne la société Trecia aux dépens ;



Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Trecia à payer à MM. X…, Y…, Z…, A…, B… et C… la somme globale de 2 500 euros ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt



Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour la société Trecia



PREMIER MOYEN DE CASSATION



Il est reproché à l’ordonnance attaquée d’avoir condamné la Société TRECIA à verser à M. X… les sommes de 156,05 € bruts au titre du salaire de janvier 2009 et de 17,36 € au titre du salaire de février 2009, à M. Y… les sommes de 442,80 € bruts au titre du salaire de janvier 2009, à M. Z… les sommes de 264,29 € bruts au titre du salaire de janvier 2009 et de 24,05 € au titre du salaire de février 2009, à M. A… les sommes de 31,90 € bruts au titre du salaire de janvier 2009, à M. B… les sommes de 423,21 € bruts au titre du salaire de janvier 2009, à M. C… les sommes de 29,84 € bruts au titre du salaire de janvier 2009 et de 30,60 € au titre du salaire de février 2009, ainsi qu’à chacun la somme de 100 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;



AUX MOTIFS QU’il résulte du droit jurisprudentiel de la Cour de cassation qu’aucune modification du contrat de travail ni aucun changement des conditions de travail ne peuvent être imposés à un salarié protégé notamment lors d’une mise en chômage partiel ; que toutefois, le Conseil a retenu la somme réellement perdue par chaque salarié, à savoir la retenue sur salaire, compensation du chômage versé par l’Etat ; que le différentiel doit rester à la charge de l’employeur, en application de l’accord d’entreprise ;



ALORS, D’UNE PART, QU’excède ses pouvoirs la formation de référé qui accorde aux défendeurs, non des provisions, mais les rappels de salaires qu’ils réclament ; qu’en accordant, dès lors, à MM X…, Y…, Z…, A…, B… et C… des sommes à titre de salaire pour les mois de janvier et février 2009, la formation de référé du Conseil de Prud’hommes de MONTBELIARD a excédé ses pouvoirs et violé les dispositions de l’article R.1455-7 du Code du travail ;



ET ALORS, D’AUTRE PART (et subsidiairement), QUE la formation de référé ne peut accorder de provision au créancier qu’à la condition que l’existence de l’obligation ne soit pas sérieusement contestable ; qu’en se contentant d’accorder à MM X…, Y…, Z…, A…, B… et C… des sommes à titre de salaire pour les mois de janvier et février 2009, sans même caractériser en quoi l’obligation dont ils se prévalaient n’était pas sérieusement contestable, la formation de référé du Conseil de Prud’hommes de MONTBELIARD a privé sa décision de base légale au regard de l’article R.1455-7 du Code du travail.



SECOND MOYEN DE CASSATION



Il est reproché à l’ordonnance attaquée d’avoir condamné la Société TRECIA à verser à M. X… les sommes de 156,05 € bruts au titre du salaire de janvier 2009 et de 17,36 € au titre du salaire de février 2009, à M. Y… les sommes de 442,80 € bruts au titre du salaire de janvier 2009, à M. Z… les sommes de 264,29 € bruts au titre du salaire de janvier 2009 et de 24,05 € au titre du salaire de février 2009, à M. A… les sommes de 31,90 € bruts au titre du salaire de janvier 2009, à M. B… les sommes de 423,21 € bruts au titre du salaire de janvier 2009, à M. C… les sommes de 29,84 € bruts au titre du salaire de janvier 2009 et de 30,60 € au titre du salaire de février 2009, ainsi qu’à chacun la somme de 100 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;



AUX MOTIFS QU’il résulte du droit jurisprudentiel de la Cour de cassation qu’aucune modification du contrat de travail ni aucun changement des conditions de travail ne peuvent être imposés à un salarié protégé notamment lors d’une mise en chômage partiel ; que toutefois, le Conseil a retenu la somme réellement perdue par chaque salarié, à savoir la retenue sur salaire, compensation du chômage versé par l’Etat ; que le différentiel doit rester à la charge de l’employeur, en application de l’accord d’entreprise ;



ALORS QUE le principe du chômage partiel qui ne résulte pas d’une décision unilatérale de l’employeur mais d’un accord collectif conclu avec les organisations syndicales représentatives et qui est mis en oeuvre en concertation avec les institutions représentatives du personnel, s’impose à tous les salariés, y compris les salariés protégés ; qu’en se contentant d’affirmer qu’aucune modification du contrat de travail ni aucun changement des conditions de travail ne pouvaient être imposés à un salarié protégé sans son accord, sans répondre au moyen des conclusions de la Société TRECIA (p. 4 et 5) tiré de ce que la mise en oeuvre du chômage partiel ne résultait pas en l’occurrence d’une décision unilatérale de sa part mais d’un accord collectif, la Cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du Code de procédure civile.

Analyse

Décision attaquée : Conseil de prud’hommes de Montbéliard , du 20 août 2009

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