Il résulte de l’article L. 2315-39 du code du travail dont les dispositions sont d’ordre public que, dans les entreprises ou établissements où est institué, en application de l’article L. 2314-11 du code du travail, un 3e collège électoral, un siège au moins à la CSSCT doit être attribué à un élu au comité social et économique représentant le 3e collège
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2025
1°/ la fédération CFE-CGC énergies, dont le siège est [Adresse 9],
2°/ Mme [P] [X], domiciliée [Adresse 3],
3°/ M. [Z] [M], domicilié [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° K 24-12.295 contre le jugement rendu le 12 février 2024 par le tribunal judiciaire de Tours (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant :
1°/ au comité social et économique d’établissement Centre Val de Loire de la société Enedis, dont le siège est [Adresse 7],
2°/ à M. [O] [C], domicilié [Adresse 1],
3°/ à M. [R] [U], domicilié [Adresse 4],
4°/ à M. [D] [A], domicilié [Adresse 8],
5°/ à M. [S] [I], domicilié [Adresse 5],
6°/ à la société Enedis, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, dont le siège est [Adresse 6],
défendeurs à la cassation.
La société Enedis a formé un pourvoi provoqué contre le même jugement.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l’appui de leur recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi provoqué invoque, à l’appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de Me Isabelle Galy, avocat de la fédération CFE-CGC énergies, de Mme [X] et de M. [M], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Enedis, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat du comité social et économique d’établissement Centre Val de Loire de la société Enedis, de MM. [C], [U], [A] et [I], et l’avis écrit de Mme Laulom, avocat général, après débats en l’audience publique du 22 janvier 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Bérard, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Tours, 12 février 2024) la société Enedis (la société), chargée d’assurer la gestion du réseau français de distribution d’électricité, compte vingt-huit établissements distincts dotés chacun d’un comité social et économique d’établissement (CSEE), dont l’établissement Centre Val de Loire.
2. Les élections des membres des CSEE se sont déroulées en novembre 2023 dans l’établissement concerné sur trois collèges électoraux au regard d’un nombre d’ingénieurs et de cadres supérieur à vingt-cinq, le troisième collège représentant ceux-ci.
3. Lors de la mise en place de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) qui a suivi, le CSEE Centre Val de Loire (le comité) a, par une résolution du 12 décembre 2023, désigné les quatre membres de la CSSCT dont aucun ne représente le troisième collège.
4. Par requête du 21 décembre 2023, la fédération CFE-CGC énergies (la fédération) et Mme [X] et M. [M], salariés élus au CSEE Centre Val de Loire au titre du troisième collège, ont saisi le tribunal judiciaire aux fins d’annulation de la désignation à la CSSCT de M. [U], issu du premier collège, et de MM. [C], [A] et [I], issus du deuxième collège, faisant valoir que ces désignations, ne réservant aucun siège à un élu issu du troisième collège, étaient contraires à l’article L. 2315-39 du code du travail et à l’article 11.4 de l’avenant de révision du 16 juin 2023 de l’accord relatif à la mise en place et au fonctionnement des comités sociaux et économiques au sein d’Enedis du 25 mars 2019.
Examen des moyens
Sur les moyens du pourvoi principal et du pourvoi provoqué, rédigés en termes identiques, réunis, pris en leur première branche
Enoncé des moyens
5. La fédération, les deux salariés élus au CSEE au titre du troisième collège et la société font grief au jugement de déclarer conforme à l’article L. 2315-39 du code du travail et en conséquence régulière la résolution adoptée le 12 décembre 2023 par le CSEE Centre Val de Loire de la société Enedis portant désignation de M. [U], élu au sein du premier collège, et de MM. [C], [A] et [I], élus au sein du deuxième collège, en qualité de membres composant sa commission santé sécurité et conditions de travail, alors « que selon l’article L. 2315-39 du code du travail, la commission santé, sécurité et conditions de travail »comprend au minimum trois membres représentants du personnel, dont au moins un représentant du second collège, ou le cas échéant du troisième collège prévus à l’article L. 2314-11 » ; que selon ce dernier texte, dans les entreprises dont le nombre des ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés sur le plan de la classification est au moins égal à vingt-cinq au moment de la constitution ou du renouvellement de l’instance, ces catégories constituent un troisième collège ; qu’il résulte de ces dispositions que lorsque les effectifs des cadres au sein de l’entreprise atteignent un seuil suffisant pour constituer un troisième collège, un siège de la CSSCT est réservé à un représentant de ce collège ; qu’en considérant que l’article L. 2315-39 du code du travail doit s’entendre comme proposant une alternative entre les deuxième et troisième collèges, de sorte que le siège est réservé soit à un représentant du personnel du collège agent de maîtrise, soit à un représentant du personnel du collège cadre, le tribunal a violé les textes susvisés, ensemble l’alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. »
Réponse de la Cour
Sur la recevabilité du moyen
6. Le comité et les quatre salariés désignés membres de la CSSCT contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que le moyen est nouveau, la fédération et les deux salariés élus au comité au titre du troisième collège n’ayant aucunement soutenu devant le tribunal que l’attribution automatique à un représentant du troisième collège du siège réservé à la CSSCT, lorsque ce collège est constitué, s’imposerait au titre du respect du principe de participation en vertu de l’alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
7. Cependant il ressort du dossier de procédure que dans leurs conclusions soutenues oralement devant le tribunal judiciaire lors de l’audience des débats du 29 janvier 2024, les demandeurs ont fait valoir que, dès lors qu’un troisième collège existe, un siège à la CSSCT doit être réservé à un élu au sein de ce troisième collège, ce qui est en cohérence avec la garantie d’une représentation de l’ensemble des salariés dans la détermination des modalités de fonctionnement des instances représentatives du personnel, en se prévalant expressément de l’alinéa 8 du « Préambule ».
8. Le moyen, qui n’est pas nouveau, est donc recevable.
Sur le bien-fondé des moyens, réunis
Vu les articles L. 2314-11, L. 2315-38 et L. 2315-39 du code du travail :
9. Aux termes de l’article L. 2315-38 du code du travail, la commission santé, sécurité et conditions de travail se voit confier, par délégation du comité social et économique, tout ou partie des attributions du comité relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail, à l’exception du recours à un expert prévu à la sous-section 10 et des attributions consultatives du comité.
10. Aux termes des trois premiers alinéas de l’article L. 2315-39 du code du travail, la commission est présidée par l’employeur ou son représentant. Elle comprend au minimum trois membres représentants du personnel, dont au moins un représentant du second collège, ou le cas échéant du troisième collège prévus à l’article L. 2314-11. Les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail sont désignés par le comité social et économique parmi ses membres, par une résolution adoptée selon les modalités définies à l’article L. 2315-32, pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité.
11. Selon l’article L. 2314-11 du même code, dans les entreprises, quel que soit leur effectif, dont le nombre des ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés sur le plan de la classification est au moins égal à vingt-cinq au moment de la constitution ou du renouvellement de l’instance, ces catégories constituent un troisième collège.
12. Il résulte de ces dispositions d’ordre public que, dans les entreprises ou établissements où est institué, en application de l’article L. 2314-11 du code du travail, un troisième collège électoral, un siège au moins à la commission santé, sécurité et conditions de travail doit être attribué à un élu au comité social et économique représentant le 3e collège.
13. Pour rejeter la demande en annulation des désignations litigieuses, le jugement retient que le législateur n’a pas indiqué dans une formule claire et limpide qu’un siège est réservé dans la CSSCT au troisième collège lorsque ce collège existe, que pour comprendre l’objectif du législateur, il convient de comparer les dispositions de l’article L. 2315-39 du code du travail et celles de l’ancien article R. 4613-1 qui organisait la composition du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, que la conjonction de coordination « ou » était déjà présente dans l’ancien article R. 4613-1, un ou des sièges étant réservés selon la taille de l’entreprise aux agents de maîtrises ou aux cadres, lesquels ne formaient qu’une catégorie de salariés, que force est de constater que les dispositions du nouvel article L. 2315-39 rappellent indéniablement les dispositions de l’ancien article R. 4613-1 en utilisant le pronom relatif « dont » et la conjonction de coordination « ou ». Le jugement en déduit que la conjonction de coordination « ou » ainsi employée s’entend comme proposant une alternative entre les deux collèges, deuxième ou troisième collège, le siège étant réservé soit à un représentant du personnel du collège agents de maîtrise, soit à un représentant du personnel cadre, de sorte que les désignations sont conformes à l’article L. 2315-39 du code du travail et doivent être déclarées régulières.
14. En statuant ainsi, alors qu’il avait constaté qu’aucun des quatre membres désignés à la CSSCT ne représentait le troisième collège électoral constitué au sein de l’établissement compte-tenu de son effectif d’au moins vingt-cinq
ingénieurs, chefs de service et cadres administratifs, commerciaux ou techniques assimilés sur le plan de la classification, le tribunal judiciaire a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
15. Tel que suggéré par les demandeurs au pourvoi principal, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
16. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 12 février 2024, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Tours ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi ;
Annule la résolution du 12 décembre 2023 par laquelle le comité social et économique de l’établissement Centre Val de Loire a désigné, comme membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail MM. [U], [C], [A] et [I] ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt-cinq. ECLI:FR:CCASS:2025:SO00186