jurisprudence

La compétence du juge judiciaire en contenu de plan de sauvegarde de l’emploi.

Arrêt n°1562 du 14 novembre 2019 (18-13.887) – Cour de cassation – Chambre sociale –

Rejet

Sommaire :
Selon l’article L. 1235-7-1 du code du travail, l’accord collectif mentionné à l’article L.1233-24-1, le document élaboré par l’employeur mentionné à l’article L.1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, les décisions prises par l’administration au titre de l’article L.1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233-57-4.

Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.
En revanche, une cour d’appel, qui constate être saisie de demandes tendant au contrôle des risques psychosociaux consécutifs à la mise en oeuvre d’un projet de restructuration, en déduit exactement que le juge judiciaire est compétent.


Demandeur(s) : société Chubb France
Défendeur(s) : comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la société Chubb France et autres ;


Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 18 janvier 2018), que la société Chubb France, qui exploite une activité de conception, d’installation et de maintenance de systèmes de sécurité incendie, a présenté au début de l’année 2015 un projet de réorganisation de son activité, intitulé «  Convergence », destiné à harmoniser et simplifier les processus de gestion informatique, notamment en développant de nouveaux outils informatiques entre les différentes entités fusionnées au sein de la société ; que ce projet s’accompagnait d’un plan de sauvegarde de l’emploi compte tenu de la suppression prévue de soixante et onze postes de travail ; que le projet « Convergence » a fait l’objet d’une mesure d’expertise, à la demande du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), ayant pour objet l’évaluation des impacts sur la santé, la sécurité et les conditions de travail, à la suite duquel a été émis le 20 avril 2015 par ledit comité un avis défavorable ; qu’un accord collectif majoritaire portant plan de sauvegarde de l’emploi a été conclu le 29 mai 2015 et validé par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi le 30 juin 2015 ; que le 1er juillet 2015, le CHSCT réseau a voté le recours à une nouvelle expertise avec notamment pour mission l’identification des risques de facteurs psychosociaux en lien avec le projet ; qu’à compter du 4 juillet 2015, le projet « Convergence  » a été mis en place à titre expérimental avant d’être déployé en juillet 2016 sur l’agence de Marseille littoral et étendu en janvier 2017 à l’ensemble de la région Méditerranée ; que plusieurs licenciements économiques étaient intervenus dès novembre 2015  ; que le 16 janvier 2017, l’expert a conclu à l’existence de risques psychosociaux ; que le secrétaire du CHSCT réseau a déclenché le 10 mars 2017 une procédure d’alerte en raison de l’existence d’une cause de danger grave et imminent au sein de la région Méditerranée, puis a saisi le 16 mars 2017 l’inspection du travail ; que le CHSCT a fait assigner en référé la société afin notamment qu’il soit constaté que celle-ci n’avait pas pris les mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés, qu’il lui soit ordonné, sous astreinte, de suspendre toute mise en oeuvre du projet « Convergence » dans la région pilote Méditerranée et qu’il soit interdit tout déploiement de ce même projet dans d’autres régions ;



Sur le second moyen :



Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;



Sur le premier moyen :



Attendu que la société fait grief à l’arrêt de déclarer le juge judiciaire compétent et en conséquence de rejeter l’exception d’incompétence au profit du juge administratif, alors, selon le moyen, que l’appréciation des éventuels manquements de l’employeur à son obligation de sécurité, commis dans le cadre de l’établissement ou de la mise en oeuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi conclu après l’entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, relève de la compétence du juge administratif ; qu’en l’espèce, le plan de sauvegarde applicable à la société Chubb France avait été conclu dans le cadre d’un accord majoritaire du 29 mai 2015, de sorte que l’appréciation des éventuels manquements de l’employeur à son obligation de sécurité dans l’établissement et la mise en oeuvre de ce plan, s’agissant notamment de la prise en compte des risques psychosociaux induits par le projet de restructuration, échappait à la compétence du juge judiciaire ; que dès lors, en retenant la compétence du juge judiciaire, et en se prononçant sur les demandes de suspension et d’interdiction formées par le CHSCT de la société Chubb France, la cour d’appel a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret fructidor an III, ensemble les articles L. 1233-61 et L. 1235-7-1 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige ;



Mais attendu que selon l’article L. 1233-57-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014, l’autorité administrative valide l’accord collectif mentionné à l’article L. 1233-24-1 dès lors qu’elle s’est assurée notamment de sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3, de la présence dans le plan de sauvegarde de l’emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63, de la régularité de la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise et, le cas échéant, du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l’instance de coordination mentionnée à l’article L. 4616-1 ; que selon l’article L. 1235-7-1 du code du travail, l’accord collectif mentionné à l’article L. 1233-24-1, le document élaboré par l’employeur mentionné à l’article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, les décisions prises par l’administration au titre de l’article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233-57-4 ; que ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux ;



Et attendu que la cour d’appel, qui a constaté que le juge judiciaire avait été saisi de demandes tendant au contrôle des risques psychosociaux consécutifs à la mise en oeuvre du projet de restructuration, en a exactement déduit que celui-ci était compétent ;



D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;



PAR CES MOTIFS :



REJETTE le pourvoi ;


Président : M. Cathala
Rapporteur : Mme Leprieur, conseiller doyen
Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger
Avocat(s) :
 SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel – SCP Lyon-Caen et Thiriez 

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