R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 MARS 2023
L’Office public de l’habitat des communes de l’Oise – Oise Habitat, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° T 20-23.694 contre l’arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d’appel d’Amiens (5e chambre prud homale), dans le litige l’opposant :
1°/ à M. [U] [J], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la société Iserba, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], ayant un établissement secondaire sis [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l’Office public de l’habitat des communes de l’Oise – Oise Habitat, et l’avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l’audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Lacquemant, Salomon, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, M. Chiron, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Amiens, 22 octobre 2020), M. [J] a été engagé le 10 juin 2014 en qualité d’agent de maintenance par la société Iserba Seclin, exploitant une activité d’entretien et de dépannage d’équipements de logements individuels dans des immeubles appartenant principalement à des bailleurs sociaux.
2. Par contrat à effet du 1er janvier 2014, cette société s’est vu attribuer le marché public de la maintenance des alimentations en eau chaude et froide sanitaire dans l’ensemble des logements individuels et collectifs du patrimoine de l’Office public de l’habitat des communes de l’Oise-Oise Habitat (l’Office public), établissement public à caractère industriel et commercial, exerçant une activité de bailleur social.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale de demandes indemnitaires dirigées contre son employeur et l’Office public pour obtenir notamment la réparation de préjudices liés à l’exposition à l’amiante.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. L’Office public fait grief à l’arrêt de retenir la compétence de la juridiction prud’homale pour connaître des demandes de M. [J] dirigées contre lui et le condamner solidairement à payer à ce dernier diverses sommes en réparation de préjudices résultant de l’exposition au risque d’amiante et de l’absence de formation alors :
« 1°/ que les juridictions prud’homales disposent d’une compétence d’attribution s’agissant des litiges qui s’élèvent à l’occasion du contrat de travail entre les employeurs ou leur représentant et les salariés qu’ils emploient ; que, par suite, elles sont incompétentes pour connaître des demandes formulées par un salarié à l’égard d’une entreprise qui n’est pas son employeur ; qu’en décidant que les juridictions prud’homales étaient compétentes pour connaître des demandes dirigées par M. [J] contre l’OPH des communes de l’Oise quand elle constatait que ce dernier n’avait pas la qualité d’employeur de M. [J], la cour d’appel a violé l’article L. 1411-1 du code du travail ;
2°/ que le fait que la résolution du litige suppose l’application de dispositions du code du travail n’est pas en soi de nature à justifier la compétence des juridictions prud’homales ; qu’en se déclarant compétente pour connaître des demandes de M. [J] à l’encontre de l’OPH des communes de l’Oise au motif qu’en qualité de société utilisatrice au sens de l’article R. 4511 du code du travail, l’OPH des communes de l’Oise était tenue d’une co-responsabilité en matière de prévention, la cour d’appel qui s’est fondée sur des motifs impropres à établir sa compétence, a violé l’article L. 1411-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l’article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs ou leurs représentants et les salariés qu’ils emploient.
6. Selon l’article L. 4111-5 du code du travail, pour l’application de la quatrième partie du code du travail, les travailleurs sont les salariés, y compris temporaires, et les stagiaires, ainsi que toute personne placée à quelque titre que ce soit sous l’autorité de l’employeur.
7. Relève de la compétence du conseil de prud’hommes l’action par laquelle un salarié sollicite la condamnation au paiement de dommages-intérêts de son employeur ou d’une entreprise utilisatrice, au sens de l’article R. 4511-1 du code du travail, dans l’établissement de laquelle le contrat de travail s’exécute, en raison des manquements aux obligations, notamment de coordination, prévues par le code du travail.
8. Ayant constaté que le salarié formait des demandes indemnitaires à l’égard de l’Office public auquel il reprochait de ne pas avoir exécuté les obligations mises à sa charge par le code du travail, la cour d’appel en a exactement déduit que la juridiction prud’homale était compétente pour connaître du litige.
9. Le moyen n’est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
10. L’Office public fait grief à l’arrêt de le condamner solidairement avec la société Iserba Seclin à payer à M. [J], la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice résultant l’exposition au risque d’amiante et celle de 1 000 euros en réparation du préjudice résultant de l’absence de formation alors « que si même des obligations sont mises à la charge tant de la société utilisatrice que de l’entreprise extérieure pour assurer la sécurité de l’ensemble de leurs salariés, chacune est responsable de l’application des mesures de prévention nécessaires à la protection des travailleurs qu’elle emploie ; qu’en retenant la responsabilité tant de la société Iserba que de l’Office public quand elle constatait que seule la société Iserba avait la qualité d’employeur de M. [J], la cour d’appel a violé l’article R. 4511-6 du code du travail. »
Réponse de la Cour
11. Les dispositions des articles R. 4511-4, R. 4511-5 et R. 4511-6 du code du travail qui mettent à la charge de l’entreprise utilisatrice, une obligation générale de coordination des mesures de prévention qu’elle prend et de celles que prennent l’ensemble des chefs des entreprises intervenant dans son établissement et précisent que chaque chef d’entreprise est responsable de l’application des mesures de prévention nécessaires à la protection de son personnel, n’interdisent pas au salarié de l’entreprise extérieure de rechercher la responsabilité de l’entreprise utilisatrice, s’il démontre que celle-ci a manqué aux obligations mises à sa charge par le code du travail et que ce manquement lui a causé un dommage.
12. La cour d’appel, qui a relevé que l’Office public ne justifiait, pas plus que l’entreprise extérieure, de l’organisation d’une inspection commune et de l’établissement du plan de prévention, obligations auxquelles ces entités étaient toutes deux tenues, a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l’Office public de l’habitat des communes de l’Oise – Oise Habitat aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour l’établissement l’Office public de l’habitat des communes de l’Oise – Oise Habitat
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L’arrêt attaqué, critiqué par l’OPH des communes de l’OISE, encourt la censure ;
EN CE QU’il a retenu la compétence de la juridiction prud’homale pour connaitre des demandes de M. [J] contre l’OPH des communes de l’OISE, puis condamné solidairement la société ISERBA et l’OPH des communes de l’OISE à payer à M. [J], la somme de 5000 euros en réparation dommages-intérêt préjudice résultant l’exposition au risque d’amiante et la somme de 1 000 euros en réparation dommages-intérêts préjudice résultant de l’absence de formation ;
ALORS QUE, premièrement, les juridictions prud’homales disposent d’une compétence d’attribution s’agissant des litiges qui s’élèvent à l’occasion du contrat de travail entre les employeurs ou leur représentant et les salariés qu’ils emploient ; que, par suite, elles sont incompétentes pour connaitre des demandes formulées par un salarié à l’égard d’une entreprise qui n’est pas son employeur ; qu’en décidant que les juridictions prud’homales étaient compétentes pour connaitre des demandes dirigées par M. [J] contre l’OPH des communes de l’OISE quand elle constatait que ce dernier n’avait pas la qualité d’employeur de M. [J], la cour d’appel a violé l’article L. 1411-1 du code du travail ;
ALORS QUE, deuxièmement, le fait que la résolution du litige suppose l’application de dispositions du code du travail n’est pas en soi de nature à justifier la compétence des juridictions prud’homales ; qu’en se déclarant compétente pour connaitre des demandes de M. [J] à l’encontre de l’OPH des communes de l’OISE au motif qu’en qualité de société utilisatrice au sens de l’article R. 4511 du code du travail, l’OPH des communes de l’OISE était tenue d’une co-responsabilité en matière de prévention, la cour d’appel qui s’est fondée sur des motifs impropres à établir sa compétence, a violé l’article L. 1411-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
L’arrêt attaqué, critiqué par l’OPH des communes de l’OISE, encourt la censure ;
EN CE QU’il a condamné solidairement la société ISERBA SECLIN et l’OPH des communes de l’OISE à payer à M. [J], la somme de 5000 euros en réparation dommages-intérêt préjudice résultant l’exposition au risque d’amiante et la somme de 1 000 euros en réparation dommages-intérêts préjudice résultant de l’absence de formation ;
ALORS QUE que si même des obligations sont mises à la charge tant de la société utilisatrice que de l’entreprise extérieure pour assurer la sécurité de l’ensemble de leurs salariés, chacune est responsable de l’application des mesures de prévention nécessaires à la protection des travailleurs qu’il emploie ; qu’en retenant la responsabilité tant de la société ISERBA que de l’OPH des communes quand elle constatait que seule la société ISERBA avait la qualité d’employeur de M. [J], la cour d’appel a violé l’article R. 4511-6 du code du travail.