jurisprudence

Les seules allégations de la victime ne sont pas une preuve de la matérialité de l’accident du travail .

3 août 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00060

Chambre sociale

DLP/SC

S.A.S. [4]
C/
Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Saône-et-Loire (CPAM)
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :
à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 03 AOUT 2023
MINUTE N°
N° RG 21/00060 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FTLG
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pole social du TJ de MACON, décision attaquée en date du 07 Janvier 2021, enregistrée sous le n°18/00495
APPELANTE :
S.A.S. [4]
représentée par Me Anne-laure DENIZE de la SELEURL Anne-Laure Denize, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Saône-et-Loire (CPAM)
représentée par M. [W] [N] (Chargé d’audience) en vertu d’un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Juin 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller, Président,
Olivier MANSION, Président de chambre,
Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Sandrine COLOMBO,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller, et par Sandrine COLOMBO, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Le 5 avril 2018, la société [4] ([4]) a adressé à la CPAM de Saône-et-Loire (CPAM) une déclaration d’accident du travail mentionnant que, le 30 mars 2018, Mme [R] a déclaré avoir été victime d’un accident sur son lieu de travail, sans apporter de précision sur la nature ainsi que sur l’activité de celle-ci à l’occasion de cet accident.
Le certificat médical initial établi le 30 mars 2018 a mentionné « douleurs dorsales suite à un faux mouvement » et prescrit un arrêt un arrêt de travail jusqu’au 9 avril 2018 inclus.
Le même jour, dans un courrier distinct, la société [4] a émis des réserves sur la matérialité du fait accidentel et contesté l’origine professionnelle des lésions.
A la suite de son instruction, la CPAM a, par lettre recommandée du 25 juin 2018, notifié à la société [4] (l’employeur) la prise en charge de cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels.
La société [4] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la caisse qui a rendu une décision de rejet le 27 septembre 2018.
Par lettre recommandée du 24 octobre 2018, l’employeur a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de se voir déclarer inopposable la décision de prise en charge de l’accident de Mme [R].

Par jugement du 7 janvier 2021, le tribunal a rejeté sa demande.
Par déclaration enregistrée le 19 janvier 2021, la société [4] a relevé appel de cette décision.
L’appelante a, après l’avoir demandé, été autorisée à formuler ses prétentions et ses moyens par écrit, sans se présenter à l’audience.

Ainsi, dans le dernier état de ses conclusions reçues le 16 janvier 2023, elle demande à la cour de :
– dire et juger recevable son appel,
– infirmer le jugement déféré,

Et statuant à nouveau,
– lui déclarer inopposable la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l’accident du 13 février 2017 déclaré par Mme [R],
– mettre les dépens à la charge de la CPAM.
Par ses dernières écritures reçues le 7 juin 2023 et reprises à l’audience sans ajout ni retrait au cours des débats, la CPAM demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de rejeter les demandes adverses.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR L’OPPOSABILITE DE LA DECISION DE PRISE EN CHARGE

La société [4] conteste la matérialité de l’accident du travail déclaré. Elle expose que Mme [R] n’a apporté aucune précision sur la nature du fait accidentel, ses circonstances et le moment exact auquel il se serait produit. Elle relève également l’absence de témoin alors que M. [G] était présent dans l’unité de travail ce jour-là, ainsi qu’une discordance sur le siège des lésions initiales, y ajoutant l’absence de fait traumatique. Elle se prévaut encore de l’existence d’un état pathologique antérieur.

En réponse, la CPAM fait valoir que la matérialité de l’accident est établie en présence de présomptions graves, précises et concordantes permettant de retenir la survenance d’un fait accidentel au temps et au lieu du travail. Elle en déduit que Mme [R] bénéficie de la présomption d’imputabilité et souligne que la société [4] ne rapporte pas la preuve d’une cause totalement étrangère au travail.

Aux termes de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail, à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ou chef d’entreprise.

Constitue un accident du travail, un événement ou une série d’événements, survenus à des dates certaines, par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit sa date d’apparition, une lésion provoquée par un effort même accompli dans un acte normal pouvant être assimilé à un accident du travail et les douleurs ressenties dans le cadre d’un acte normal étant constitutives de lésions.

L’article précité édicte une présomption d’imputabilité en faveur de l’assuré dès lors que le fait accidentel s’est manifesté soudainement au temps et au lieu du travail mais il appartient à la victime d’en rapporter la preuve.

Il est constant que cette preuve peut être rapportée par tous moyens, mais que les seules allégations de la victime, quelque soit par ailleurs sa bonne foi et son honorabilité, sont insuffisantes en l’absence de témoin direct des faits.

Il revient ensuite à l’employeur qui entend contester cette présomption légale d’imputabilité de prouver l’existence d’une cause totalement étrangère au travail.

Ici, Mme [R] produit un certificat médical intitial du 30 mars 2018, jour de l’accident allégué, faisant état de douleurs dorsales suite à un faux mouvement. Or, elle ne dispose d’aucun témoin pouvant corroborer ses dires alors qu’une salariée prénommée « [J] » aurait, selon elle, été avisée et l’aurait emmenée dans le bureau, que ‘[I] » l’aurait quant à elle conduite à l’infirmerie « en chaise roulante ».

Ces deux personnes n’apportent aucun témoignage et les déclarations de Mme [R] ne sont corroborées par aucun élément objectif, étant ajouté que l’employeur n’a été prévenu que le 3 avril 2018, soit 4 jours plus tard. En outre, la salariée a évoqué des douleurs au dos puis des douleurs à l’épaule, le siège des lésions n’étant pas le même, et aucun fait traumatique n’a été établi.

Enfin, le certificat médical initial est inopérant à établir à lui seul la matérialité de l’accident litigieux.

Il s’ensuit que la CPAM n’établit pas la matérialité d’un accident survenu au temps et au lieu du travail de sorte que la présomption d’imputabilité ne peut s’appliquer et que la décision de prise doit, par infirmation du jugement, être déclarée inopposable à l’employeur.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La décision attaquée sera infirmée en ses dispositions relatives aux dépens.

L’abrogation, au 1er janvier 2019, de l’article R. 144-10 du code de la sécurité sociale a mis fin à la gratuité de la procédure en matière de sécurité sociale.

Pour autant, pour les procédures introduites avant le 1er janvier 2019, le principe de gratuité demeure. En l’espèce, la procédure ayant été introduite en 2018, il n’y a pas lieu de statuer sur les dépens de première instance.

La CPAM, qui succombe, supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare inopposable à la société [4] la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l’accident du 13 février 2017 déclaré par Mme [R],

Dit n’y avoir lieu à condamnation aux dépens de première instance,
Condamne la CPAM de Saône-et-Loire aux dépens d’appel.

Le greffier Le président

Sandrine COLOMBO Delphine LAVERGNE-PILLOT

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