jurisprudence

Les accords instaurant le comité de groupe signés avant la mise en place du CSE demeurent valables

Arrêt n°403 du 25 mars 2020 (18-18.401) – Cour de Cassation – Chambre sociale
-ECLI:FR:CCAS:2020:SO00403

Sommaire :
L’article 9, VII, de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 met fin à partir de la date du premier tour des élections des membres de la délégation du personnel du comité social et économique aux stipulations des accords collectifs relatives aux délégués du personnel et au comité d’entreprise, aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, au regroupement par accord des institutions représentatives du personnel et aux réunions communes des institutions représentatives du personnel.

Il en résulte que si demeurent applicables les accords collectifs portant reconnaissance d’une unité économique et sociale, qui n’entrent pas dans les prévisions de cet article, en revanche les stipulations de ces accords qui ont procédé à la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts pour les élections des membres élus des comités d’établissements, des délégués du personnel ou des membres des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail au sein de l’unité économique et sociale cessent de produire effet à compter de la date du premier tour des élections des membres de la délégation du personnel du comité social et économique.

En application des dispositions de l’article L. 2313-8 du code du travail, en l’absence de contestation devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi dans le délai de quinze jours suivant notification de la décision unilatérale par laquelle l’un des employeurs mandaté a déterminé le nombre et le périmètre des établissements distincts au sein d’une unité économique et sociale, l’organisation syndicale est irrecevable à demander à ce titre l’annulation des élections professionnelles.


Demandeur(s) : syndicat CGT des salariés du Champagne

Défendeur(s) : société du Mocquesouris, société à responsabilité limitée et autre(s)


Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d’instance de Soissons, 5 juin 2018), que par accord du 26 juillet 2005, qui a fait l’objet d’un avenant le 29 novembre suivant, l’existence d’une unité économique et sociale (UES) a été reconnue entre la société Champagne GH Martel et Cie (la société), la société Charles de Cazanove et la société du Mocquesouris ; que cet accord étant parvenu à échéance, l’UES a été renouvelée par un accord du 23 juillet 2010 reconductible pour cinq années supplémentaires et qu’il a été convenu que l’accord ne pourrait faire l’objet d’aucune dénonciation avant le terme de sa seconde échéance, soit le 23 juillet 2020 ; que, par une lettre du 2 janvier 2018, la société Champagne GH Martel et Cie a indiqué au syndicat CGT des salariés du Champagne (le syndicat) qu’en application des ordonnances du 22 septembre 2017 et de leurs décrets d’application, elle mettait en place à l’occasion du renouvellement des institutions représentatives du personnel au sein de l’UES un comité social et économique et qu’elle l’a invité à participer à la négociation du protocole préélectoral ; que le 10 janvier 2018, la société a, en sa qualité d’entreprise la plus importante de l’UES, informé le syndicat de sa décision de fixer le nombre et le périmètre des établissements mis en place au sein de cette dernière ; que le 17 janvier suivant, un protocole préélectoral a été conclu entre trois syndicats et les trois sociétés formant l’UES ; que le second tour des élections s’est déroulé le 19 février 2018 ; que le 1er mars 2018, le syndicat a demandé au tribunal d’instance l’annulation du protocole préélectoral et des élections et de dire que les élections devaient se tenir dans le cadre du périmètre des trois sociétés défini par l’accord du 23 juillet 2010 ;

Attendu que le syndicat fait grief au jugement de déclarer irrecevables ses prétentions à l’encontre de la société Champagne GH Martel et Cie, de la société Charles de Cazanove et de la société du Mocquesouris alors, selon le moyen :

1°/ qu’en matière d’élections professionnelles, la contestation est portée devant le tribunal d’instance dans les quinze jours suivant l’élection ; qu’en considérant, pour déclarer irrecevables les demandes du syndicat CGT des salariés du Champagne tendant à l’annulation du protocole d’accord préélectoral du 17 janvier 2018 et des élections au comité social et économique d’établissement de la société du Mocquesouris du 19 février 2018, que ce syndicat n’avait pas, en temps utile, saisi l’autorité administrative d’un recours contre la décision de l’employeur ayant fixé le nombre et le périmètre des établissements distincts au sein de l’unité économique et sociale à laquelle la société du Mocquesouris appartient, le tribunal d’instance a violé les articles L. 2313-8 et R. 2313-4 du code du travail, ensemble l’article R. 2314-24 du même code ;

2°/ que c’est seulement en l’absence d’accord d’entreprise ou d’accord conclu avec le comité social et économique que l’employeur dispose, sous le contrôle de l’autorité administrative en cas de litige, du pouvoir de fixer le nombre et le périmètre des établissements distincts au sein de l’unité économique et sociale ; que les accords d’entreprise définissant le nombre et le périmètre des établissements distincts au sein d’une unité économique et sociale ne sont pas devenus caducs par l’effet de l’institution du comité social et économique et de l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 ; qu’en considérant que l’accord collectif du 23 juillet 2010 par lequel avaient été fixés le nombre et le périmètre des établissements distincts au sein de l’unité économique et sociale était devenu caduc à la suite du remplacement des anciennes institutions représentatives du personnel par le comité social et économique pour en déduire que l’employeur avait pu fixer, irrévocablement en l’absence de recours porté devant l’autorité administrative, le nombre et le périmètre de ces établissements, le tribunal d’instance a violé les articles L. 2313-8 et R. 2313-4 du code du travail ;

Mais attendu, d’une part, qu’aux termes de l’article 9, VII, de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, les stipulations des accords d’entreprise, des accords de branche et des accords couvrant un champ territorial ou professionnel plus large prises en application dispositions des titres Ier et II du livre III de la deuxième partie du code du travail relatives aux délégués du personnel et au comité d’entreprise, les dispositions du titre VIII du livre III de la même partie du code du travail sur le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les dispositions du titre IX du livre III de la même partie du code du travail sur le regroupement par accord des institutions représentatives du personnel, les dispositions du titre X du livre III de la même partie du code du travail sur les réunions communes des institutions représentatives du personnel ainsi que les dispositions du titre Ier du livre VI de la quatrième partie, relatives au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, cessent de produire effet à compter de la date du premier tour des élections des membres de la délégation du personnel du comité social et économique ; qu’il en résulte que, si les accords collectifs portant reconnaissance d’une unité économique et sociale, qui n’entrent pas à cet égard dans les prévisions de ce texte, demeurent applicables, les stipulations de ces accords qui ont procédé à la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts pour les élections des membres élus des comités d’établissements, des délégués du personnel ou des membres des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail au sein de l’unité économique et sociale cessent de produire effet à compter de la date du premier tour des élections des membres de la délégation du personnel du comité social et économique ; que c’est dès lors à bon droit que le tribunal d’instance a jugé qu’en l’absence d’accord, l’employeur avait pu fixer unilatéralement le nombre et le périmètre des établissements distincts ;

Attendu, d’autre part, qu’aux termes de l’article R. 2313-4 du code du travail, premier et troisième alinéas, lorsque l’un des employeurs mandaté par les autres prend une décision sur la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts en application de l’article L. 2313-8, il la porte à la connaissance de chaque organisation syndicale représentative dans l’unité économique et sociale et de chaque organisation syndicale ayant constitué une section syndicale dans l’unité économique et sociale, par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information ; que les organisations syndicales représentatives dans l’unité économique et sociale et les organisations syndicales ayant constitué une section syndicale dans l’unité économique et sociale ou, lorsque les négociations se sont déroulées conformément au quatrième alinéa de l’article L. 2313-8, le comité social et économique, peuvent, dans le délai de quinze jours à compter de la date à laquelle ils en ont été informés, contester la décision de l’employeur devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi ; que le tribunal d’instance a retenu exactement qu’en l’absence de contestation dans le délai précité suivant notification de la décision unilatérale par laquelle l’un des employeurs mandaté a déterminé le nombre et le périmètre des établissements distincts au sein de l’unité économique et sociale, l’organisation syndicale est irrecevable à demander à ce titre l’annulation des élections professionnelles ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Président : M. Cathala
Rapporteur : M. Joly, conseiller référendaire
Avocat général : Mme Laulom
Avocat(s) : Me Haas – SCP Le Bret-Desaché

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