jurisprudence

L’employeur peut reformuler une question posée par les élus CSE.

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 octobre 2023
Cassation partielle sans renvoi
M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 984 F-D
Pourvoi n° C 22-10.716R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 OCTOBRE 2023

La société Lidl, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 22-10.716 contre l’arrêt rendu le 19 novembre 2021 par la cour d’appel de Rennes (chambre conflits d’entreprise), dans le litige l’opposant au comité social et économique d’établissement de la direction régionale de [Localité 2] de Lidl (CSEE Lidl 15), dont le siège est société Lidl Runanvizit, [Localité 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Lidl, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat du comité social et économique d’établissement de la direction régionale de [Localité 2] de Lidl, après débats en l’audience publique du 6 septembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Bérard, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 19 novembre 2021), la société Lidl (la société) et la majorité de ses organisations syndicales représentatives ont conclu, le 17 juillet 2018, un accord collectif relatif à l’organisation, au fonctionnement et aux attributions du comité social et économique (CSE) au sein de l’entreprise. Cet accord prévoit notamment la mise en place d’un comité social et économique d’établissement (CSEE) au sein des vingt-sept établissements distincts reconnus dans l’entreprise dont chacune des vingt-cinq directions régionales et un comité social et économique central (CSEC).

2. L’élection des membres du CSEE de la direction régionale n° 15 de la société à [Localité 2] s’est tenue le 6 juin 2019.

3. Le règlement intérieur du CSEE a été signé le 27 novembre 2019 par le président et le secrétaire du CSEE.

4. Par acte du 7 janvier 2020, le CSEE Lidl 15 a assigné la société devant le tribunal judiciaire aux fins notamment de juger que la liberté d’expression de ses élus fait obstacle à toute reformulation, anonymisation des auteurs et tout regroupement de leurs questions par l’employeur lors de la rédaction de l’ordre du jour et que les questions des membres doivent être inscrites fidèlement à l’ordre du jour de la réunion sans aucune reformulation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l’arrêt de déclarer que les questions adressées par les membres du CSEE Lidl 15 au secrétaire de ce comité au plus tard dans les quatorze jours calendaires avant la date prévue de la réunion mensuelle doivent être retranscrites fidèlement sans aucune reformulation à l’ordre du jour établi par le président et le secrétaire du CSEE, sauf si elles relèvent des attributions de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), alors « que lorsque le règlement intérieur d’un comité social et économique d’une entreprise ou d’un établissement d’au moins 50 salariés prévoit que l’ordre du jour des réunions du comité est, conformément aux dispositions légales, établi conjointement par le président et le secrétaire, il ne peut être imposé à l’un ou l’autre, à moins qu’il ne s’agisse d’une consultation obligatoire ou sauf intervention du juge des référés, d’inscrire une question à l’ordre du jour ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a retenu que le règlement intérieur du CSEE Lidl 15 disposait que l’ordre du jour des réunions du comité est établi et signé conjointement par le président et le secrétaire du comité social et économique d’établissement dans les conditions légales, en référence en l’occurrence aux missions définies par l’article L. 2312-8 du code du travail”, pour en conclure que le président du comité avait l’obligation de retranscrire à l’ordre du jour de la réunion les questions adressées par les membres du comité au secrétaire ; qu’en statuant ainsi quand le fait que le comité social et économique ait pour mission d’assurer une expression collective des salariés ne prive pas le président du comité de son droit de refuser d’inscrire à l’ordre du jour de la réunion du comité une question transmise par un membre du comité, la cour d’appel a violé les articles L. 2312-5, L. 2312-8, L. 2315-24 et L. 2315-29 du code du travail en leur rédaction applicable au litige, ensemble l’article 2 de l’accord collectif relatif à l’organisation, au fonctionnement et aux attributions du comité social et économique élu au sein de la société Lidl du 17 juillet 2018. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 2315-29 du code du travail :

6. Aux termes du premier alinéa de ce texte, l’ordre du jour de chaque réunion du comité social et économique est établi par le président et le secrétaire.

7. Pour déclarer que les questions adressées par les membres du CSEE Lidl 15 au secrétaire de ce comité au plus tard dans les quatorze jours calendaires avant la date prévue de la réunion mensuelle doivent être retranscrites fidèlement sans aucune reformulation à l’ordre du jour établi par le président et le secrétaire du CSEE, sauf si elles relèvent des attributions de la CSSCT, l’arrêt retient que le règlement intérieur adopté le 27 novembre 2019 dispose que l’ordre du jour des réunions du CSE est établi et signé conjointement par le président et le secrétaire du CSEE dans les conditions légales, de sorte que rien ne s’oppose à ce que les questions posées par les membres du CSEE figurent à l’ordre du jour de leurs réunions, sans que le président puisse, au motif que la loi lui assigne d’établir l’ordre du jour, décider des questions à retenir ou écarter sauf si elles relèvent de la compétence d’une autre instance que le CSEE, et que, l’article 1er, alinéa 4, du règlement intérieur prévoyant expressément que les questions que les membres souhaitent mettre à l’ordre du jour seront communiquées au plus tard quatorze jours calendaires avant la date prévue de la réunion mensuelle au secrétariat du CSEE, les membres du CSEE ont la faculté de participer à l’élaboration de l’ordre du jour que le président et le secrétaire ont pour mission d’établir.

8. En statuant ainsi, alors que, l’ordre du jour résultant du seul accord commun entre l’employeur et le secrétaire du comité, porte atteinte aux prérogatives légales de l’un et de l’autre l’injonction de retranscrire fidèlement et sans aucune reformulation à l’ordre du jour les questions adressées par les membres du comité d’établissement au secrétaire du comité au plus tard dans les quatorze jours calendaires avant la date prévue de la réunion mensuelle, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déclare que les questions adressées par les membres du CSEE Lidl 15 au secrétaire de ce comité au plus tard dans les quatorze jours calendaires avant la date prévue de la réunion mensuelle doivent être retranscrites fidèlement sans aucune reformulation à l’ordre du jour établi par le président et le secrétaire du CSEE, sauf si elles relèvent des attributions de la CSSCT, l’arrêt rendu le 19 novembre 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

DÉBOUTE le CSEE Lidl 15 de sa demande tendant à la déclaration que les questions adressées par les membres du CSEE Lidl 15 au secrétaire de ce comité au plus tard dans les quatorze jours calendaires avant la date prévue de la réunion mensuelle doivent être retranscrites fidèlement sans aucune reformulation à l’ordre du jour établi par le président et le secrétaire du CSEE ;

Condamne le CSEE Lidl 15 aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:SO00984

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