jurisprudence

faute inexcusable Arrêt n° 912 du 8 octobre 2020 (18-26.677)

Arrêt n° 912 du 8 octobre 2020 (18-26.677) – Cour de Cassation – Deuxième chambre civile – ECLI:FR:CCAS:2020:C200912

SÉCURITÉ SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL – CONTRAT DE TRAVAIL, EXÉCUTION

Cassation

Sommaire

Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.


Demandeur(s) : M. A… X…

Défendeur(s) : Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) ; et autres


Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Metz, 25 octobre 2018), M. X… (la victime), salarié de 1962 à 1996 des Houillères du Bassin de Lorraine, devenues l’établissement public Charbonnages de France, aux droits duquel vient l’Agent judiciaire de l’État (l’employeur), a été reconnu atteint de silicose, maladie inscrite au tableau n°25 des maladies professionnelles, par décision du 5 juillet 2013 de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines.

2. La victime a saisi une juridiction de sécurité sociale d’une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

3. M. X… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande, alors « qu’en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l’entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ; qu’en retenant, après avoir expressément constaté que des témoignages d’anciens collègues ayant travaillé avec M. X… (M. Y… et Z…) dénonçaient un environnement poussiéreux du fait du manque d’arrosage d’eau, que l’instruction du 30 novembre 1956 admettait la foration à sec sur des massifs à faible teneur en silice, tout en constatant que, dès le décret du 4 mai 1951 reprenant les dispositions générales des décrets du 10 juillet 1913 et du 13 décembre 1948, il était imposé à l’employeur de prendre des mesures pour protéger ses ouvriers contre les poussières dont l’inhalation est dangereuse, la cour d’appel a violé les dispositions précitées. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail :

4. Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

5. Pour dire que l’employeur n’a pas commis de faute inexcusable, l’arrêt relève, d’une part, que s’agissant de la foration, l’instruction de 1956 admet la foration à sec sur des massifs à faible teneur en silice, d’autre part, que s’agissant des conditions d’arrosage et d’humidification des poussières, MM. Z… et Y…, seuls témoins ayant travaillé avec la victime, font uniquement état d’un environnement poussiéreux du fait d’un manque d’arrosage d’eau, sans aucune description des moyens de protection existants, de sorte que la cour n’est pas en mesure d’apprécier la faute de l’employeur dans la mise en place des mesures pour protéger la victime et que, s’agissant des masques, celle-ci qui soutient que l’employeur ne lui fournissait pas de masque avant 1965 ne produit aucun élément permettant de démontrer ce qu’elle allègue et qu’il ressort de l’attestation de M. Y…, ancien collègue direct, que celui-ci portait effectivement un masque ; qu’il n’apporte toutefois aucune précision concernant l’efficacité des masques fournis et l’effort de distribution de l’employeur.

6. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations une inefficacité des mesures de protection mises en oeuvre par l’employeur, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 25 octobre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Metz ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Nancy ;


Président : M. Pireyre
Rapporteur : Mme Palle, conseiller référendaire
Avocat général : Mme Ceccaldi
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh – SARL Meier-Bourdeau

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