jurisprudence

Cassation (19-23.153) “reconnaissance d’un établissement distinct”

Arrêt n°722 du 9 juin 2021 (19-23.153) – Cour de cassation – Chambre sociale
-ECLI:FR:CCAS:2021:SO00722

Représentation des salariés

Cassation

Demandeur(s) : GE Medical Systems, société en commandite simple
Défendeur(s) : syndicat CFE-CGC métallurgie Ile-de-France ; et autres


Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d’instance de Versailles, 17 septembre 2019), la société GE Medical Systems (la société) a décidé unilatéralement la mise en place d’un comité social et économique (CSE) unique.

2. Sur recours des organisations syndicales, le 22 mars 2019, le directeur régional des entreprises, de l’économie, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (le direccte) a fixé à trois le nombre des établissements distincts.

3. Le 10 avril 2019, la société a saisi le tribunal d’instance d’une demande d’annulation de cette décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branchesÉnoncé du moyen

4. La société fait grief à l’arrêt de la débouter de l’intégralité de ses demandes et d’ordonner la mise en place en son sein de trois CSE avec le périmètre suivant : établissement Distribution, établissement Ingineering et Manufacturing et établissement Fonction support et HQ, alors :

« 1°/ qu’il appartient au tribunal d’instance saisi de la contestation d’une décision de l’autorité administrative fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts d’examiner l’ensemble des contestations, qu’elles portent sur la légalité interne ou la légalité externe de cette décision ; qu’en cas de contestation du découpage retenu, le juge doit, sans se borner à examiner superficiellement la motivation de cette décision, apprécier le découpage opéré par la Direccte en fonction des éléments de fait et de preuve qui lui sont soumis ; que, dans cette perspective, il lui appartient de s’expliquer, au vu des éléments de fait et de preuve, sur l’autonomie de gestion des responsables d’établissement ; qu’en se bornant à relever, pour dire qu’il n’y avait lieu ni d’annuler la décision de la Direccte, ni de modifier le nombre et le périmètre des établissements distincts, que la décision de la Direccte est parfaitement motivée, en ce qu’elle rappelle les critères essentiels pour les appliquer à la situation de fait et qu’en particulier l’autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service a été bien prise en compte dans l’analyse de la situation de l’entreprise et que la décision de la Direccte est parfaitement fondée en fait et en droit, le tribunal d’instance a méconnu son office et violé l’article L. 2313-5 du code du travail.

4°/ que caractérise un établissement distinct au sens de l’article L. 2313-4 du code du travail l’établissement qui présente, notamment en raison de l’étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service ; que pour motiver sa décision fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts, le juge doit faire ressortir, par des constatations concrètes et précises, les pouvoirs décisionnels dont dispose le responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; qu’à supposer que le tribunal d’instance ait repris à son compte les motifs de la décision de la Direccte, en se bornant à relever, pour dire que les trois pôles regroupant de manière cohérente sept familles de métiers disposent chacun d’un responsable des ressources humaines qui, selon les organigrammes des ressources humaines, disposent de compétences et d’une autonomie en matière de gestion du personnel, le tribunal d’instance, qui n’a constaté aucune manifestation concrète de cette autonomie de gestion des responsables des ressources humaines en matière de gestion du personnel, a placé la Cour de cassation dans l’impossibilité d’exercer son contrôle et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2313-4 et L. 2313-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2313-4 et L. 2313-5 du code du travail :

5. Selon le premier de ces textes, lorsqu’ils résultent d’une décision unilatérale de l’employeur, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques sont fixés compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel. Caractérise au sens de ce texte un établissement distinct l’établissement qui présente, notamment en raison de l’étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service.

6. Lorsqu’ils sont saisis d’un recours dirigé contre la décision unilatérale de l’employeur, le direccte, par une décision motivée, et le tribunal d’instance se fondent, pour apprécier l’existence d’établissements distincts au regard du critère d’autonomie de gestion ainsi défini, sur les documents relatifs à l’organisation interne de l’entreprise que fournit l’employeur, et sur les documents remis par les organisations syndicales à l’appui de leur contestation de la décision unilatérale prise par ce dernier.

7. La centralisation de fonctions support ou l’existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ne sont pas de nature à exclure en elles-mêmes l’autonomie de gestion des responsables d’établissement.

8. En application du second des textes susvisés, relèvent de la compétence du tribunal d’instance, en dernier ressort, à l’exclusion de tout autre recours, les contestations élevées contre la décision de l’autorité administrative fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts. Il appartient, en conséquence, au tribunal d’instance d’examiner l’ensemble des contestations, qu’elles portent sur la légalité externe ou sur la légalité interne de la décision du direccte, et, s’il les dit mal fondées, de confirmer la décision, s’il les accueille partiellement ou totalement, de statuer à nouveau, par une décision se substituant à celle de l’autorité administrative, sur les questions demeurant en litige.

9. Pour débouter la société de sa demande d’annulation de la décision du direccte du 22 mars 2019, le jugement retient que cette décision vise les textes applicables dans leur dernier état, les décisions rendues, les écritures communiquées et la procédure suivie, qu’il est donc manifeste que cette décision a été rendue après une étude sérieuse des éléments fournis par les parties, qu’elle est en outre motivée en droit, en ce qu’elle rappelle les critères essentiels pour les appliquer à la situation de fait et qu’en particulier l’autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service a été bien prise en compte dans l’analyse de la situation de l’entreprise et qu’ainsi la décision du direccte étant parfaitement fondée en fait et en droit il n’y a pas lieu de l’annuler ni de modifier le nombre et le périmètre des établissements.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, au regard des éléments produits tant par l’employeur que par les organisations syndicales, si les responsables des établissements concernés avaient effectivement une autonomie de décision suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l’exécution du service et si la reconnaissance à ce niveau d’établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques était de nature à permettre l’exercice effectif des prérogatives de l’institution représentative du personnel, le tribunal n’a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 17 septembre 2019, entre les parties, par le tribunal d’instance de Versailles ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Versailles autrement composé ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;


Président : M. Cathala
Rapporteur : M. Joly, conseiller référendaire
Avocat général : Mme Grivel
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer – SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

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