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Le comité d’entreprise de la société ayant fait l’objet d’une opération de fusion absorption et dont les salariés ont été transférés au sein de la société absorbante peut décider la dévolution de son patrimoine au comité d’entreprise de cette dernière.

Arrêt n°61 du 16 janvier 2019 (17-26.993) – Cour de cassation – Chambre sociale – ECLI:FR:CCASS:2019:SO00061

REPRÉSENTATION DES SALARIÉS

Cassation partielle

Sommaire :
Le comité d’entreprise de la société ayant fait l’objet d’une opération de fusion absorption et dont les salariés ont été transférés au sein de la société absorbante peut décider la dévolution de son patrimoine au comité d’entreprise de cette dernière.
Doit en conséquence être approuvée la cour d’appel qui, constatant la dévolution du patrimoine, après sa dissolution, du comité d’entreprise de la société absorbée au comité d’entreprise de la société absorbante, en déduit que l’action tendant au paiement d’un rappel de subvention et de contribution de l’employeur au titre des années antérieures à l’opération de fusion absorption a été transmise à cette instance par l’effet de cette dissolution.


Demandeur(s) : société Systra, société anonyme
Défendeur(s) : comité d’entreprise de la société Systra


Attendu, selon l’arrêt attaqué, que selon acte du 1er juillet 2012 avec effet au 1er janvier 2012, la société Systra a absorbé les sociétés Xelis et Inexia ; que les contrats de travail des salariés ont été transférés à la société Systra ; que le comité d’entreprise de cette dernière a saisi le tribunal de grande instance d’une demande de rappel de la subvention de fonctionnement des comités d’entreprise des sociétés absorbées ainsi que de la contribution de l’employeur aux activités sociales et culturelles au titre des années antérieures à l’opération de fusion ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Systra fait grief à l’arrêt de dire recevables les demandes du comité d’entreprise de la société Systra tendant à la détermination et au recouvrement des dotations patronales restant dues le cas échéant aux comités d’entreprise des sociétés Xelis et Inexia, de dire que le comité d’entreprise de la société Systra vient aux droits des comités d’entreprise des sociétés Xelis et Inexia et de rejeter en conséquence la fin de non- recevoir tirée du défaut de qualité et d’intérêt du comité d’entreprise de la société Systra à agir à ce titre alors, selon le moyen :

1°/ que seule une fusion-absorption réalisée entre des personnes morales dans le cadre de l’article 1844-4 du code civil peut réaliser une transmission universelle du patrimoine ; que lorsqu’un comité d’entreprise, appelé à disparaître à la suite d’une fusion, affecte la totalité de ses biens à un autre comité d’entreprise, cette transmission de biens ne saurait valoir transmission universelle de patrimoine englobant la transmission de créances quelles qu’elles soient – actuelles, éventuelles ou conditionnelles- ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a méconnu la portée des dispositions de l’article 1844-4 du code civil et de l’article R. 2323-39 du code du travail ;

2°/ que la fusion-absorption entraîne la disparition de la société absorbée et sa dissolution sans liquidation, avec transmission universelle de son patrimoine à la société absorbante ; qu’il en résulte que cette société n’a plus elle-même d’activité, même si l’activité qui était précédemment la sienne est poursuivie par la nouvelle société issue de la fusion ; que les dispositions de l’article R. 2323-39 du code du travail relatives à l’affectation des biens du comité d’entreprise « en cas de cessation définitive de l’activité de l’entreprise » ont vocation à s’appliquer à l’ensemble des cas de dissolution de l’entreprise, et notamment au cas de dissolution consécutive à une fusion ; qu’en jugeant au contraire qu’elles ne sont pas applicables en pareil cas, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article R. 2323-39 du code du travail ;

3°/ que la personnalité juridique d’un comité d’entreprise est distincte de celle de la société au sein de laquelle il a été mis en place ; qu’il en résulte que si une fusion absorption a bien pour effet d’opérer une transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante, elle ne saurait pour autant opérer une transmission du patrimoine du comité d’entreprise de la société absorbée au comité d’entreprise de la société absorbante, les patrimoines des comités d’entreprise étant autonomes par rapport à ceux des sociétés ; qu’en jugeant que les comités d’entreprise des sociétés Xelis et Inexia ont dévolu la totalité de leur patrimoine au comité d’entreprise de la société Systra du fait même de la fusion des dites sociétés, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée des dispositions de l’article 1844-4 du code civil et de l’article R. 2323-39 du code du travail ;

4°/ que la transmission des créances des comités d’entreprise des sociétés Xelis et Inexia au comité d’entreprise de la société Systra ne pouvait être réalisée que dans les conditions prévues par l’article 1690 du code civil tel qu’il était applicable à la présente affaire ; qu’en jugeant que le droit de créance résultant de l’éventuelle insuffisance des dotations patronales versées aux comités d’entreprise des sociétés Xelis et Inexia a été transféré au comité d’entreprise de la société Systra dans le cadre d’une dévolution de patrimoine consécutive à la fusion des sociétés, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 1690 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble celles de l’article R. 2323-39 du code du travail ;

Mais attendu d’abord, que la cour d’appel a à bon droit écarté l’application de l’article R. 2323-39 du code du travail alors en vigueur à la situation du comité d’entreprise de la société ayant fait l’objet d’une opération de fusion absorption et dont les salariés ont été transférés au sein de la société absorbante ;

Attendu ensuite, que le comité d’entreprise de l’entreprise absorbée peut décider la dévolution de son patrimoine au comité d’entreprise de l’entreprise absorbante ;

Et attendu que la cour d’appel qui a constaté que les comités d’entreprise des sociétés absorbées avaient par suite de leur dissolution dévolu leur patrimoine au comité d’entreprise de la société Systra au sein de laquelle les salariés avaient été transférés, ce dont il résultait que l’ensemble de leurs biens et droits avaient été transmis, en a exactement déduit que l’action tendant au paiement d’un rappel de subvention et de contribution de l’employeur au titre des années antérieures à l’opération de fusion absorption avait été transmise à cette institution représentative par l’effet de cette dissolution ;

D’où il suit que le moyen, abstraction faite du motif surabondant visé par les première et troisième branches, n’est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles L. 2323-86, L. 2325-43 alors applicables, et L. 8241-1 du code du travail ;

Attendu que sauf engagement plus favorable, la masse salariale servant au calcul de la subvention de fonctionnement comme de la contribution aux activités sociales et culturelles, s’entend de la masse salariale brute constituée par l’ensemble des gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale en application de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu ensuite, qu’il résulte du dernier de ces textes que les salariés mis à disposition ont accès, dans l’entreprise utilisatrice, dans les mêmes conditions que les salariés de cette entreprise, aux moyens de transport collectifs et aux installations collectives, notamment de restauration, dont peuvent bénéficier ces salariés ; que lorsque des dépenses supplémentaires incombent au comité d’entreprise de l’entreprise utilisatrice, celles-ci doivent lui être remboursées suivant des modalités définies au contrat de mise à disposition ; qu’il en découle que la rémunération versée aux salariés mis à disposition par leur employeur n’a pas à être incluse dans la masse salariale brute de l’entreprise utilisatrice servant de base au calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles ;

Attendu que pour faire droit à la demande de rappel de subvention de fonctionnement du comité d’entreprise de la société pour les années 2009 à 2012, et de calcul de l’assiette de subvention de fonctionnement des comités d’entreprise des sociétés absorbées aux droits desquels vient le comité d’entreprise de la société pour les années 2008 à 2012, et de la contribution aux activités sociales et culturelles pour les années 2008 à 2013, l’arrêt retient que sauf engagement plus favorable, la masse salariale servant au calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles versées par l’employeur au comité d’entreprise en application des articles L. 2323-86 et L. 2325-43 du code du travail s’entend de la masse salariale brute correspondant au compte 641 « Rémunérations du personnel », à l’exception des sommes qui correspondent à la rémunération des dirigeants sociaux, à des remboursements de frais ainsi que celles qui, hormis les indemnités légales et conventionnelles de licenciement et de retraite, sont dues à la rupture du contrat de travail, que contrairement à l’argumentation de la société, la masse salariale brute n’est donc pas circonscrite aux sommes figurant dans la déclaration annuelle des données sociales (DADS), laquelle est établie en vue du calcul des cotisations sociales dues par l’employeur, que s’agissant des salariés détachés ou mis à disposition dont la rémunération est prise en compte pour partie dans le compte 62, ils sont présumés, pendant le temps de leur mise à disposition, être intégrés de manière étroite et permanente à la communauté de travail constituée par le personnel de la société utilisatrice et qu’il appartient dès lors à celle-ci, qui soutient le contraire, d’apporter la preuve que ces salariés ne sont pas intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail constituée par son personnel, la circonstance qu’ils bénéficient d’un droit d’option en matière d’élections professionnelles étant indifférente ; qu’ainsi que l’ont retenu à juste titre les premiers juges, cette preuve fait défaut en l’espèce , de sorte que leurs rémunérations doivent être prises en compte dans l’assiette de la masse salariale brute de la société Systra, fussent elles payées en tout ou partie par les entreprises les mettant à disposition ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il retient le principe de la créance du comité d’entreprise au titre d’un rappel de subventions de fonctionnement dues pour les années 2009 à 2012, ordonne la capitalisation des intérêts, condamne la société Systra à payer au comité d’entreprise la somme de 64 726,05 euros à titre de rappel des subventions de fonctionnement pour les années 2009 à 2012, dit que l’assiette de calcul de la subvention de fonctionnement des sociétés Xelis et Inexia aux droits desquels vient le comité d’entreprise de la société Systra pour les années 2008 à 2013 est le compte 641 « rémunérations du personnel » tel que défini par le plan comptable général ainsi que le compte 62 en ce qui concerne les salariés détachés ou mis à disposition, et non la masse salariale brute résultant de la déclaration annuelle des salaires (DADS), dit que doivent être soustraits des comptes 641 et 62 les cotisations patronales, sommes correspondant à la rémunération des dirigeants sociaux non salariés, remboursements de frais, indemnités transactionnelles et rémunération des intermédiaires, ordonne une expertise afin d’obtenir tous éléments permettant de déterminer sur les bases précisées dans l’arrêt les sommes dues au titre des subvention de fonctionnement des comités d’entreprise des sociétés Xelis et Inexia aux droits desquels vient le comité d’entreprise de la société Systra pour les années 2008 à 2012 et des subventions destinées aux activités sociales et culturelles du comité d’entreprise de la société Systra pour les années 2008 à 2013 et commet pour y procéder M. Z… , expert comptable, l’arrêt rendu le 21 septembre 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;


Président : M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président
Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer – SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

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