jurisprudence

CAS 21/11/2022 sur « la consultation ponctuelle du CSE »

21 septembre 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-23.660

Chambre sociale – Formation de section

PUBLIÉ AU BULLETIN – PUBLIÉ AU RAPPORT

Sommaire

La consultation ponctuelle sur la modification de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise ou en cas de restructuration et compression des effectifs n’est pas subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le comité social et économique sur les orientations stratégiques de l’entreprise. Selon l’article 11, I, 1°, b), de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID-19, afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de COVID-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d’activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l’emploi, le gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure, en matière de droit du travail ayant pour objet de modifier les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, notamment du comité social et économique, pour leur permettre d’émettre les avis requis dans les délais impartis. Selon l’article 11, I, 2°, de la même loi, afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation de l’épidémie de COVID-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, le gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, toute mesure adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. Aux termes de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, prise en application de la loi d’habilitation n° 2020-290, notamment l’article 11, I, 2°, a et b, tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1 sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. Il en résulte que ce texte ne s’applique pas aux délais de consultation du comité social et économique

Texte de la décision

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 2020), l’organisme de gestion de l’établissement catholique [2] de Vaujours (l’OGEC) a informé, le 18 mars 2020, le comité social et économique du projet de procéder, à la rentrée du mois de septembre 2020, à la fermeture du lycée professionnel du paysage et de l’environnement et à la résiliation du contrat d’association correspondant avec le ministère de l’agriculture. La réunion de consultation de ce comité sur les orientations stratégiques a, par ailleurs, été fixée au 24 mars 2020. De nouvelles réunions ont été fixées aux 30 avril et 18 mai 2020.

2. Des mesures de confinement ont été décrétées le 17 mars 2020 cependant que l’état d’urgence sanitaire a été déclaré pour une durée de deux mois par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, en ce qu’il fait grief à l’arrêt de constater que la poursuite de la suspension de la consultation sur la résiliation du contrat avec le ministère de l’agriculture, plus de deux mois après la date limite fixée par le tribunal pour recueillir l’avis du comité social et économique de l’OGEC sur les orientations stratégiques, est devenue sans objet

3. Le moyen, qui vise un chef du dispositif de l’arrêt qui ne fait pas grief au demandeur au pourvoi, est irrecevable.

Mais, sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, en ce qu’il fait grief à l’arrêt d’ordonner la suspension de la consultation sur la résiliation du contrat avec le ministère de l’agriculture jusqu’à la clôture de celle sur les orientations stratégiques, de dire n’y avoir lieu à statuer sur la demande tendant à ce qu’il soit dit et jugé que les réunions des 24 mars et 30 avril 2020 n’ont pas été valablement organisées et de condamner l’OGEC à payer au comité social et économique une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour délit d’entrave à son fonctionnement

Enoncé du moyen

4. L’OGEC fait grief à l’arrêt d’ordonner la suspension de la consultation sur la résiliation du contrat avec le ministère de l’agriculture jusqu’à la clôture de celle sur les orientations stratégiques, de dire n’y avoir lieu à statuer sur la demande tendant à ce qu’il soit dit et jugé que les réunions des 24 mars et 30 avril 2020 n’ont pas été valablement organisées et de la condamner à payer au comité social et économique une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour délit d’entrave à son fonctionnement, alors « que les consultations sur les orientations stratégiques et les consultations ponctuelles sont deux consultations autonomes ; que l’employeur demeure libre de soumettre tout projet ponctuel à la consultation du comité social et économique, dès lors que son objet lui apparaît suffisamment déterminé pour que son adoption ait une incidence sur l’organisation, la gestion et la marche de l’entreprise ; qu’en jugeant que le projet de résiliation du contrat avec le ministère de l’agriculture en vue de faire cesser la formation initiale scolaire du LPE était ‘un choix stratégique’, en ce qu’il était ‘la déclinaison concrète d’une orientation stratégique’ quand ces deux consultations étaient autonomes, la cour d’appel a violé les articles L. 2312-17 et 2312-8 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2312-8, L. 2312-24 et L. 2312-37 du code du travail :

5. Selon les articles L. 2312-8 et L. 2312-37 du code du travail, le comité social et économique est consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur la modification de son organisation économique ou juridique ou en cas de restructuration et compression des effectifs.

6. Aux termes de l’article L. 2312-24 du même code, le comité social et économique est consulté sur les orientations stratégiques de l’entreprise, définies par l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise, et sur leurs conséquences sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, l’organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l’intérim, à des contrats temporaires et à des stages. Cette consultation porte, en outre, sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, sur les orientations de la formation professionnelle et sur le plan de développement des compétences. Le comité émet un avis sur les orientations stratégiques de l’entreprise et peut proposer des orientations alternatives. Cet avis est transmis à l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise, qui formule une réponse argumentée. Le comité en reçoit communication et peut y répondre.

7. Pour suspendre la consultation sur la résiliation du contrat avec le ministère de l’agriculture jusqu’à la clôture de celle sur les orientations stratégiques, l’arrêt retient que la décision envisagée de résilier le contrat avec le ministère de l’agriculture et de cesser la formation initiale scolaire du lycée professionnel du paysage et de l’environnement est un choix stratégique, que celui-ci résulte du constat d’une dégradation de la situation économique, d’une trésorerie insuffisante, obérant la capacité de l’OGEC à s’endetter pour faire face à des travaux d’entretien et de rénovation nécessaires, d’une baisse de fréquentation très importante de ce lycée et de la volonté de rétablir un équilibre financier après plusieurs années de déficit. Il ajoute que ce choix n’est que la déclinaison concrète d’une orientation stratégique qui doit préalablement être soumise à la discussion du comité social et économique.

8. En statuant ainsi, alors que la consultation ponctuelle sur la modification de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise ou en cas de restructuration et compression des effectifs n’est pas subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le comité social et économique sur les orientations stratégiques de l’entreprise, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Et sur le premier moyen, pris en sa première branche, en ce qu’il fait grief à l’arrêt de condamner l’OGEC à payer au comité social et économique une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour délit d’entrave à son fonctionnement

Enoncé du moyen

9. L’OGEC fait grief à l’arrêt de la condamner à payer au comité social et économique une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour délit d’entrave à son fonctionnement, alors « que l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ne vise pas la procédure d’information-consultation des instances représentatives des personnes parmi celles dont les délais sont suspendus du fait de la crise sanitaire, de sorte qu’une telle procédure pouvait, durant la période couverte par cette ordonnance, se poursuivre en distanciel dès lors que cette modalité avait été retenue par les membres élus de l’instance concernée ; qu’en jugeant que le délai de consultation du CSE sur les orientations stratégiques devait être « prorogé jusqu’au 23 août 2020 » en ce que l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 « n’excluait pas expressément les délais pour avis du comité social et économique », la cour d’appel a violé l’article 2 de ladite ordonnance, ensemble les articles R. 2313-5 et R. 2312-6 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 11, I, 1°, b), et l’article 11, I, 2°, b), de la loi n° 2020-290, du 23 mars 2020, d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et l’article 2, alinéa 1, de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période :

10. Selon l’article 11, I, 1°, b), de la loi n° 2020-290, afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d’activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l’emploi, le gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure, en matière de droit du travail ayant pour objet de modifier les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, notamment du comité social et économique, pour leur permettre d’émettre les avis requis dans les délais impartis.

11. Selon l’article 11, I, 2°, de la même loi, afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, le gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, toute mesure adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions.

12. Aux termes de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306, prise en application de la loi d’habilitation n° 2020-290, notamment le a et le b du 2° du I de son article 11, tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

13. Il en résulte que ce texte ne s’applique pas aux délais de consultation du comité social et économique.

14. Pour condamner l’OGEC au paiement d’une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour délit d’entrave, l’arrêt retient qu’a été signé, le 19 mai 2020, un avenant entre le lycée professionnel du paysage et de l’environnement et le ministère de l’agriculture résiliant, à compter du 1er septembre 2020, le contrat de participation au service public d’éducation et de formation conclu le 20 décembre 1989, sans que le comité social et économique de l’OGEC ait donné son avis puisque la consultation sur la résiliation de ce contrat a été suspendue au moins jusqu’au 23 août 2020 en application de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306, qui n’exclut pas les délais pour avis du comité social et économique.

15. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

16. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l’arrêt condamnant l’OGEC à payer au comité social et économique une certaine somme pour délit d’entrave à son fonctionnement entraîne la cassation du chef de dispositif ordonnant la prolongation jusqu’au 23 août 2020 de la consultation sur les orientations stratégiques de l’OGEC qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il ordonne la prolongation jusqu’au 23 août 2020 de la consultation sur les orientations stratégiques de l’organisme de gestion de l’établissement catholique [2] de Vaujours, suspend la consultation sur la résiliation du contrat avec le ministère de l’agriculture jusqu’à la clôture de celle sur les orientations stratégiques, dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande tendant à ce qu’il soit dit et jugé que les réunions des 24 mars et 30 avril 2020 n’ont pas été valablement organisées et condamne l’organisme de gestion de l’établissement catholique [2] de Vaujours à payer au comité social et économique la somme de 30 000 euros de dommages-intérêts pour délit d’entrave à son fonctionnement, la somme de 4 000 euros en première instance et celle de 4 000 euros en appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 29 octobre 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;

Condamne le comité social et économique de l’organisme de gestion de l’établissement catholique [2] de Vaujours aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Huglo conseiller doyen, en ayant délibéré, en remplacement du président empêché, en l’audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile.

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