La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée ce mardi 14 sur deux affaires concernant l’interdiction du voile islamique au travail. Elle a jugé que le règlement intérieur de l’entreprise peut limiter les signes religieux, mais que la simple volonté d’un client n’était en revanche pas suffisante à justifier cette interdiction.
Une règle interne d’une entreprise interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux ne constitue pas une discrimination directe
Cependant, en l’absence d’une telle règle, la volonté d’un employeur de tenir compte des souhaits du client de ne plus voir ses services assurés par une travailleuse portant un foulard islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle de nature à écarter l’existence d’une discrimination.
Dans son arrêt d’aujourd’hui, la Cour constate tout d’abord que la décision de renvoi ne permet pas de savoir si la question de la Cour de cassation repose sur le constat d’une différence de traitement directement ou indirectement fondée sur la religion ou les convictions.
Il appartient dès lors à la Cour de cassation de vérifier si le licenciement de Mme Bougnaoui a été fondé sur le non-respect d’une règle interne prohibant le port visible de signes de convictions politiques, philosophiques ou religieuses. Si tel est le cas, il revient à cette juridiction de vérifier si les conditions relevées dans l’arrêt G4S Secure Solutions sont réunies, à savoir si la différence de traitement, découlant d’une règle interne d’apparence neutre risquant d’aboutir, en fait, à un désavantage particulier pour certaines personnes, est objectivement justifiée par la poursuite d’une politique de neutralité et si elle est appropriée et nécessaire.
En revanche, dans le cas où le licenciement de Mme Bougnaoui ne serait pas fondé sur l’existence d’une telle règle interne, il y aurait lieu de déterminer si la volonté d’un employeur de tenir compte du souhait d’un client de ne plus voir ses services fournis par une travailleuse qui porte un foulard islamique serait justifiée au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive, selon laquelle les États membres peuvent prévoir qu‘une différence de traitement prohibée par la directive ne constitue pas une discrimination lorsqu’en raison de la nature d’une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l’objectif est légitime et que l’exigence est proportionnée.
À cet égard, la Cour rappelle que ce n’est que dans des conditions très limitées qu’une caractéristique liée, notamment, à la religion peut constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante. En effet, cette notion renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice d‘une activité professionnelle et ne couvre pas des considérations subjectives, telles que la volonté de l’employeur de tenir compte des souhaits particuliers du client.
La Cour répond donc que la volonté d’un employeur de tenir compte des souhaits du client de ne plus voir ses services assurés par une travailleuse portant un foulard islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de la directive.