TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE CERGY-PONTOISE N°1807099
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Fédération Sud Activités postales et de télécommunications et autres.
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M…
Rapporteur
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Mme…
Rapporteur public
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Audience du 2 octobre 2018
Lecture du 16 octobre 2018
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PCJA : 66
Code publication : C+
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise
Vu la procédure suivante :
Par une requête, et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 18 juillet 2018 et le 19 septembre 2018, la Fédération Sud activités postales et de télécommunications, représentée par M. A, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du site d’Asnières-sur-Seine de la société Téléperformance France, ainsi que M. L, salarié de la société Téléperformance France, tous représentés par Me Judith Krivine, avocat au barreau de Paris, demandent au tribunal :
1°) d’annuler la décision du 18 mai 2018 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) d’Ile-de-France a validé l’accord collectif portant rupture conventionnelle collective de la société Téléperformance France en date du 2 mai 2018 ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat les sommes de 3 000 euros et de 500 euros à verser respectivement à la Fédération Sud activités postales et de télécommunications et à M. L en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Les requérants soutiennent :
– que la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ;
– que la décision attaquée méconnaît l’article L. 1237-19 al.2 du code du travail dès lors que la DIRECCTE a été informée tardivement de l’ouverture des négociations en vue de la conclusion de l’accord collectif portant rupture conventionnelle collective ;
– que la DIRECCTE n’a pas procédé à un contrôle suffisant des documents transmis ;
– que la DIRECCTE ne pouvait légalement valider l’accord litigieux en raison du défaut de consultation des instances représentatives du personnel (IRP) sur le projet de réorganisation dans lequel s’inscrit la rupture conventionnelle collective ;
– que la DIRECCTE ne pouvait légalement valider l’accord litigieux dès lors que celui-ci a pour effet d’éluder les règles impératives applicables en matière de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ;
– que la décision attaquée est entachée d’une erreur d’appréciation dès lors qu’elle procède à la validation d’un accord collectif comportant des critères et des modalités de départage des candidats à la rupture conventionnelle ne garantissant pas le respect du principe d’égalité ;
– que la décision attaquée est entachée d’une erreur d’appréciation dès lors qu’elle procède à la validation d’un accord collectif négocié de manière déloyale et en méconnaissance de l’obligation de neutralité de l’employeur.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 septembre 2018 et le 26 septembre 2018, la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) d’Ile-de-France conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 3 septembre 2018, la société Téléperformance France, représentée par Me Philippe Chapuis, avocat au barreau de Paris, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire de la Fédération Sud activités postales et de télécommunications et de M. L la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– les conclusions présentées par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sont irrecevables en raison du défaut de qualité à agir de ce comité ;
– les conclusions présentées par la fédération requérante sont irrecevables en raison du défaut d’habilitation à ester en justice de son représentant ;
– les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Un mémoire, enregistré le 28 septembre 2018, a été présenté par la société Téléperformance France ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail ;
– le code du travail ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M…, conseiller rapporteur,
– les conclusions de Mme…, rapporteur public ;
– les observations de Me Krivine représentant les requérants, de M. D représentant la DIRECCTE Ile-de-France, et celles de Me Renucci représentant la société Téléperformance.
1. Considérant que la société Téléperformance France, société anonyme à conseil d’administration, dont le siège social est situé à Asnières-sur-Seine (92), spécialisée dans le secteur de la gestion « multicanal » de l’expérience client externalisée, et disposant à la date du 31 décembre 2017 d’un effectif total de 2 175 salariés répartis sur treize sites distincts, a engagé le 10 janvier 2018 des négociations avec les organisations syndicales représentatives au sein de l’entreprise en vue de la signature d’un accord collectif aux fins de rupture conventionnelle collective dans le cadre des dispositions des articles L. 1237-19 et suivants du code du travail ; qu’un accord collectif portant mesures de rupture conventionnelle collective et de congé de mobilité a été signé le 2 mai 2018 entre la direction de la société Téléperformance France et trois organisations syndicales représentatives (CFDT/F3C, CFE-CGC, CFTC/CSFV) ; que, dans le cadre de la restructuration des effectifs de la société, cet accord prévoit notamment la suppression de 226 postes de travail ; que le dossier de demande de validation de l’accord collectif ainsi conclu a été transmis le 3 mai 2018 à la DIRECCTE Ile-de-France ; qu’à la suite d’une décision de complétude du dossier de validation en date du 15 mai 2018, l’administration du travail a, par une décision du 18 mai 2018, validé l’accord collectif portant rupture conventionnelle collective de la société Téléperformance France ; que, par la requête susvisée, la Fédération Sud activités postales et de télécommunications, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail du site d’Asnières sur Seine de la société Téléperformance France, ainsi que M. L, salarié de cette société et membre du bureau fédéral Sud PTT, demandent au tribunal d’annuler cette décision de validation ;
Sur les conclusions à fin d’annulation et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense :
En ce qui concerne la légalité externe de la décision attaquée :
2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 1237-19-5 du code du travail : « L’autorité administrative compétente pour prendre la décision de validation est celle du lieu où l’entreprise ou l’établissement concerné par le projet d’accord portant rupture conventionnelle collective est établi. Si le projet d’accord portant rupture conventionnelle collective porte sur des établissements relevant de la compétence d’autorités différentes, le ministre chargé de l’emploi désigne l’autorité compétente » ; qu’aux termes de l’article R. 1237-6 du même code : « L’autorité administrative mentionnée aux articles L. 1237-19-3 à L. 1237-19-5, L. 1237-19-7 et L. 1237-19-8 est le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi dont relève l’établissement en cause » ; qu’enfin l’article R. 1237-6-1 de ce code dispose que : « Lorsque le projet d’accord collectif portant rupture conventionnelle collective inclut des établissements relevant de la compétence de plusieurs directeurs régionaux des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, l’employeur informe le directeur régional du siège de l’entreprise de son intention d’ouvrir une négociation en application de l’article L. 1237-19. Ce directeur saisit sans délai le ministre chargé de l’emploi, qui procède à la désignation du directeur régional compétent. La décision de désignation est communiquée à l’entreprise dans un délai de dix jours à compter de la notification par l’employeur de son intention d’ouvrir une négociation. A défaut de décision expresse, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi compétent est celui dans le ressort duquel se situe le siège de l’entreprise. Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi compétent informe l’employeur de sa compétence par tout moyen permettant de conférer une date certaine. L’employeur en informe, sans délai et par tout moyen, le comité social et économique ainsi que les organisations syndicales représentatives » ;
3. Considérant que le projet d’accord collectif portant rupture conventionnelle collective de la société Téléperformance France conclu le 2 mai 2018 concernait des établissements relevant de la compétence de plusieurs directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi ; qu’ainsi, par une décision du 8 février 2018, prise en application des dispositions précitées, le ministre du travail a procédé à la désignation de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail, et de l’emploi d’Ile de France, en qualité d’autorité compétente pour se prononcer sur la demande de validation de cet accord collectif ; que par un arrêté interministériel en date du 29 août 2016, Mme B, signataire de la décision en litige, a été régulièrement nommée directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail, et de l’emploi d’Ile de France pour une durée de cinq ans à compter du 5 septembre 2016 ; qu’en cette qualité elle était donc compétente pour signer la décision litigieuse ; qu’ainsi, le moyen tiré de l’incompétence du signataire de la décision attaquée manque en fait ; qu’en outre, cette décision de désignation a été communiquée à l’entreprise dans le délai de dix jours prévu par les dispositions précitées de l’article R. 1237-6-1 du code du travail puis transmise par courrier électronique aux organisations syndicales ; que le moyen ainsi soulevé doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 1237-19 du code du travail : «Un accord collectif peut déterminer le contenu d’une rupture conventionnelle collective excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppression d’emplois. L’administration est informée sans délai de l’ouverture d’une négociation en vue de l’accord précité » ;
5. Considérant que les requérants soutiennent qu’en méconnaissance des dispositions précitées du second alinéa de l’article L. 1237-19 du code du travail, l’administration a seulement été informée le 1er février 2018 des négociations entamées le 10 janvier 2018 en vue de la conclusion de l’accord collectif portant rupture conventionnelle collective de la société Téléperformance France ; que, toutefois, s’il ressort des pièces du dossier que l’administration a été informée le 1er février 2018, alors même que les négociations de l’accord collectif avaient effectivement débutées le 10 janvier 2018, l’observation du délai d’information imparti par les dispositions précitées n’est pas prescrite à peine de nullité de la procédure ; qu’en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier, et n’est au demeurant pas allégué par les requérants, que l’inobservation de ce délai, lequel a pour objet principal de permettre à l’administration du travail d’exercer un suivi de la négociation collective, ainsi que de procéder, en application des dispositions précitées de l’article R. 1237-6-1 du code du travail, à la désignation du directeur régional compétent pour se prononcer sur la demande de validation d’un accord collectif portant rupture conventionnelle collective, ait eu pour conséquence de porter atteinte à une garantie de procédure ou ait exercé une influence sur le sens de la décision litigieuse ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article L. 1237-19-3 du code du travail : « L’accord collectif mentionné à l’article L. 1237-19 est transmis à l’autorité administrative pour validation. L’autorité administrative valide l’accord collectif dès lors qu’elle s’est assurée : / 1° De sa conformité au même article L. 1237-19 ; / 2° De la présence des clauses prévues à l’article L. 1237-19-1 ; / 3° Du caractère précis et concret des mesures prévues au 7° du même article L. 1237-19-1 ; / 4° Le cas échéant, de la régularité de la procédure d’information du comité social et économique. » ;
7. Considérant que, si les requérants soutiennent que l’administration aurait procédé à un contrôle insuffisant des pièces du dossier de demande de validation de l’accord collectif du 2 mai 2018, il ressort toutefois des motifs de la décision contestée que l’ensemble des éléments soumis au contrôle de l’administration en application des dispositions précitées de l’article L. 1237-19-3 du code du travail ont été vérifiés par la DIRECCTE Ile-de-France ; qu’à cet égard, l’absence de réponse expresse de l’administration à la demande de refus de validation présentée le 11 mai 2018 par l’organisation syndicale requérante n’est pas de nature à révéler une insuffisance de contrôle, par l’administration, des documents présentés par l’employeur à l’appui de sa demande de validation ; qu’enfin, l’absence de mention dans la décision litigieuse de cette demande syndicale du 11 mai 2018 n’est pas davantage de nature à révéler une insuffisance de contrôle de l’administration ; que, dès lors, le moyen ainsi soulevé ne peut qu’être écarté ;
En ce qui concerne la légalité interne de la décision attaquée :
8. Considérant, en premier lieu, que l’article L. 1237-19-1 du code du travail prévoit que « L’accord portant rupture conventionnelle collective détermine : 1° Les modalités et conditions d’information du comité social et économique, s’il existe » ; que le 4° de l’article L. 1237-19-3 du même code dispose que « L’autorité administrative valide l’accord collectif dès lors qu’elle s’est assurée : (…) Le cas échéant, de la régularité de la procédure d’information du comité social et économique » ;
9. Considérant que les requérants soutiennent que l’administration aurait entaché sa décision d’une erreur de droit en ce qu’elle aurait procédé à la validation de l’accord collectif nonobstant l’absence de consultation du comité d’entreprise, d’une part, et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société Téléperformance, d’autre part ;
10. Considérant, toutefois, d’une part, qu’il appartient seulement à l’administration du travail, saisie d’une demande de validation d’un accord collectif portant rupture conventionnelle collective sur le fondement de l’article L. 1237-19-3 du code du travail, de s’assurer, le cas échéant, de la régularité de la procédure d’information du comité d’entreprise au regard des prescriptions dudit accord, ainsi que le prévoit l’article L. 1237-19-1 du code du travail ; qu’en l’espèce, l’accord collectif du 2 mai 2018 avait prévu l’organisation de deux réunions d’information du comité d’entreprise à l’occasion de l’engagement des négociations et à l’issue de celles-ci ; que la décision litigieuse relève que le comité d’entreprise de la société Téléperformance France s’est dûment réuni, une première fois, pour informer l’instance de l’ouverture des négociations d’un accord collectif portant rupture conventionnelle collective et, une seconde fois, à l’issue des négociations, le 17 mai 2018, pour présenter l’accord signé et préalablement adressé à ses membres ; qu’ainsi, il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse que l’administration s’est assurée, ainsi qu’il lui incombait, de la régularité de la procédure d’information du comité d’entreprise ;
11. Considérant, en outre, que la circonstance que la conclusion de l’accord collectif litigieux, en ce qu’elle aurait pour effet de procéder à des ruptures conventionnelles collectives contribuant à « une restructuration et à une compression des effectifs salariés de la société », aurait dû être précédée d’une consultation du comité d’entreprise de la société Téléperformance France sur le fondement des compétences générales de celui-ci, telles que prévues aux articles L. 2323-1, L. 2323-31, et L. 2323-46 du code du travail, est, à la supposer établie, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;
12. Considérant, d’autre part, que lorsqu’elle est saisie d’une demande de validation d’un accord collectif portant rupture conventionnelle collective, il n’appartient pas à l’administration de vérifier la régularité de la procédure de consultation du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; qu’au surplus, les dispositions spécifiquement applicables à la procédure de rupture conventionnelle collective ne prévoient aucune consultation de ce comité, préalablement à la signature du projet d’accord collectif ; que dans ces conditions, le moyen tiré de l’erreur de droit doit être écarté ;
13. Considérant, en deuxième lieu, que le 1° de l’article L. 1237-19-3 du code du travail dispose que « L’autorité administrative valide l’accord collectif dès lors qu’elle s’est assurée : de sa conformité au même article L. 1237-19 » ; qu’aux termes de l’article L. 1237-19 du même code : « Un accord collectif peut déterminer le contenu d’une rupture conventionnelle collective excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppression d’emplois » ; qu’enfin, le 7° de l’article 1237-19-1 du même code dispose que « Des mesures visant à faciliter l’accompagnement et le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents, telles que le congé de mobilité dans les conditions prévues aux articles L. 1237-18-1 à L. 1237-18-5, des actions de formation, de validation des acquis de l’expérience ou de reconversion ou des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes par les salariés » ;
14. Considérant que les requérants soutiennent que l’administration aurait entaché sa décision d’une erreur de droit en validant l’accord collectif litigieux alors qu’en raison des motifs de nature économique à l’origine de la conclusion de cet accord, la direction de la société Téléperformance a éludé les règles impératives applicables en matière de plan de sauvegarde de l’emploi et aurait dû procéder à l’élaboration d’un tel plan ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier, et en particulier des termes mêmes de la décision contestée, que conformément aux dispositions précitées de l’article L. 1237-19-3 du code du travail, définissant le champ du contrôle administratif d’une demande de validation d’un accord collectif portant rupture conventionnelle collective, la DIRECCTE Ile-de-France s’est assurée de la conformité de cet accord à l’article L. 1237-19 du code du travail, de la présence des clauses de l’article L. 1237-19-1 et enfin du caractère précis et concret des mesures d’accompagnement et de reclassement prévues au 7° du même article L. 1237-19-1 du code du travail ; que si les requérants soutiennent que les suppressions de poste envisagées dans le cadre de l’accord collectif reposent sur un motif économique, cette seule circonstance, à la supposer établie, n’était pas, en elle-même, de nature à imposer la mise en oeuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, dès lors que, conformément aux dispositions de l’article L. 1237-19 du code du travail, il ressort des stipulations de l’accord collectif, et en particulier de son article 3, que la direction de la société Téléperformance France a expressément pris 1’engagement de ne procéder à aucun licenciement pendant une période de douze mois suivant les premiers départs réalisés en application du même accord ; que ce délai raisonnable est de nature à établir 1’absence de contournement des règles relatives au licenciement pour motif économique ; qu’en outre, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositions de l’article L. 1237-19-1 du code du travail imposent seulement de prévoir dans l’accord collectif portant rupture conventionnelle collective des mesures « visant à faciliter l’accompagnement et le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents » mais ne rendent pas obligatoire l’élaboration d’un plan de reclassement interne des salariés, lesquels bénéficient au demeurant, en application du titre VI de l’accord collectif, de diverses mesures d’accompagnement de l’évolution de l’organisation de l’entreprise ; que la circonstance invoquée selon laquelle l’accompagnement des salariés serait moins favorable que dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision de validation contestée ; que dans ces conditions, le moyen tiré de l’erreur de droit dont serait entachée la décision litigieuse doit être écarté ;
15. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes du 2° de l’article L. 1237-19-3 du code du travail : « (…) L’autorité administrative valide l’accord collectif dès lors qu’elle s’est assurée : (…) De la présence des clauses prévues à l’article L. 1237-19-1 ; (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 1237-19-1° : « L’accord portant rupture conventionnelle collective détermine : (…) 3° Les conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier ; 4° Les modalités de présentation et d’examen des candidatures au départ des salariés (…) ; (…) 6° Les critères de départage entre les potentiels candidats au départ ; (…) 8° Les modalités de suivi de la mise en oeuvre effective de l’accord portant rupture conventionnelle collective ; (…) » ; qu’en application de ces dispositions, lorsqu’elle est saisie d’une demande de validation d’un accord collectif portant rupture conventionnelle collective, il appartient seulement à l’administration de vérifier la présence au sein de cet accord collectif, des clauses prévues à l’article L. 1237-19-1 du code du travail ;
16. Considérant que les requérants soutiennent que les stipulations fixant les modalités de validation des candidatures à la procédure de rupture conventionnelle collective ainsi que les critères de départage entre salariés en cas de pluralité de demandes de départ sur un même poste, seraient contraires au principe d’égalité, et qu’ainsi l’administration aurait entaché sa décision d’une erreur d’appréciation en procédant à la validation de l’accord collectif ; que toutefois, comme exposé au point précédent, dans le cadre de l’instruction de la demande de validation de l’accord collectif du 2 mai 2018, il n’appartenait pas à l’administration de contrôler les modalités de mise en oeuvre de la rupture conventionnelle collective fixées par l’accord collectif et librement négociées entre l’employeur et les organisations syndicales, mais seulement de s’assurer de la présence des clauses prévues à l’article L. 1237-19-1 du code du travail ; que la décision contestée précise que l’accord inclut l’ensemble de ces clauses ; qu’en particulier, il ressort des termes de la décision attaquée que l’administration a vérifié la présence dans l’accord collectif des clauses portant sur les conditions que doit remplir le salarié pour pouvoir bénéficier de la rupture conventionnelle (3°), sur les modalités de présentation et d’examen des candidatures au départ des salariés (4°), sur les critères de départage entre les potentiels candidats au départ (6°) et enfin sur les modalités de suivi de la mise en oeuvre effective de l’accord portant rupture conventionnelle collective (8°) ; qu’en définitive, l’administration a validé l’accord collectif du 2 mai 2018 après avoir effectué, de manière exhaustive et adéquate, le contrôle administratif qu’il lui appartenait d’exercer en application du 2° de l’article L. 1237-19-3 du code du travail et n’a ainsi pas méconnu l’étendue de ses propres compétences ; que le moyen ainsi soulevé doit être écarté ;
17. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu’aux termes de l’article L. 2232-12, figurant au sein du titre III, relatif aux « conditions de négociation et de conclusion des conventions et accords collectifs de travail », du livre II, intitulé « la négociation collective – les convention et accords collectifs de travail », de la 2ème partie, consacrée aux « relations collectives de travail », du code du travail : « La validité d’un accord d’entreprise ou d’établissement est subordonnée à sa signature par, d’une part, l’employeur ou son représentant et, d’autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants. (…) / L’accord est valide s’il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés. / Faute d’approbation, l’accord est réputé non écrit. » ; qu’aux termes du III de l’article 40 de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail : « Les règles de validité des accords visées à l’article L. 2232-12 du code du travail sont applicables aux accords collectifs portant rupture conventionnelle collective » ;
18. Considérant que les requérants soutiennent que l’administration ne pouvait légalement procéder à la validation de l’accord collectif du 2 mai 2018 alors que celui-ci n’aurait pas été négocié loyalement par la direction de la société Téléperformance France, laquelle aurait méconnu son obligation de neutralité à l’égard des organisations syndicales ; qu’à l’appui de leur moyen, les requérants font valoir que le projet d’accord soumis à la signature des organisations syndicales a été rédigé à la suite d’une réunion de négociation du 13 mars 2018 à laquelle le syndicat Sud PTT n’aurait pas été convié ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier, et en particulier, d’un courrier électronique adressé le 13 avril 2018 par M. A, en sa qualité de membre du bureau fédéral de la fédération Sud PTT, que cette organisation syndicale a participé aux négociations du 13 mars 2018 auxquelles, contrairement à ce qui est soutenu, elle a dûment été conviée ; que si les requérants soutiennent que la signature de l’accord aurait été proposée sur la base d’une version du projet d’accord collectif en date du 10 avril 2018 non communiquée au syndicat Sud PTT, ils ne produisent toutefois aucune pièce de nature à établir la réalité de cette allégation ; que la circonstance invoquée, à la supposer établie, que la direction de la société Téléperformance France n’ait pas répondu à des demandes du Syndicat Sud PTT dans le cadre de la négociation de l’accord collectif n’est pas, à elle seule, de nature à établir que cet accord collectif aurait été négocié de manière déloyale ;
19. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l’annulation de la décision en date du 18 mai 2018 par laquelle la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi Ile-de-France a validé l’accord collectif portant rupture conventionnelle collective de la société Téléperformance France en date du 2 mai 2018 doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
20. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » ;
21. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les requérants, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge solidaire des requérants la somme demandée par la société Téléperformance France au titre de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête susvisée est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Téléperformance France présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la Fédération Sud activités postales et de télécommunications, au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du site d’Asnières-sur-Seine de la société Téléperformance France, à M. L, à la société Téléperformance France SA et au ministre du travail.
Copie en sera adressée pour information à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) d’Ile-de-France.