jurisprudence

Licenciement suite à un test d’alcoolémie en entreprise..

Arrêt n° 2137 F-D  Pourvoi n° K 22-13.460

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E   AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 DÉCEMBRE 2023

M. [F] [Z], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 22-13.460 contre l’arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l’opposant à la Régie autonome des transports parisiens, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La Régie autonome des transports parisiens a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Z], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Régie autonome des transports parisiens, après débats en l’audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 18 novembre 2021), M. [Z] a été engagé, en qualité de receveur machiniste par l’établissement public industriel et commercial, Régie autonome des transports parisiens (RATP), à compter du 27 novembre 2006.

2. Convoqué le 2 décembre 2015 à un entretien préalable à son éventuelle révocation, il a été révoqué le 12 janvier 2016.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l’arrêt de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de rejeter sa demande formée au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que les dispositions d’un règlement intérieur permettant d’établir sur le lieu de travail l’état d’ébriété d’un salarié en recourant au contrôle de son alcoolémie sont licites dès lors que les modalités de ce contrôle en permettent la contestation ; qu’aux termes de l’article 6-2 du règlement intérieur, ”les salariés conduisant un véhicule, une machine dangereuse, manipulant des produits ou des outils dangereux, ou exerçant en tout état un « métier/fonction de sécurité » pourront faire l’objet d’un contrôle d’alcoolémie pour vérifier la présomption d’imprégnation ou d’un test de dépistage de stupéfiants. [?] ; le salarié pourra demander une contre-expertise” : qu’en considérant qu’il ne pouvait ”être tiré aucune conséquence du refus de l’employeur au salarié lors de son premier entretien disciplinaire du 6 décembre 2015, soit plus de quinze jours après les faits, de faire procéder à un examen sanguin au titre de la contre-expertise prévue à l’article 6-2 du règlement intérieur” aux motifs que ”le salarié ne prétend pas avoir sollicité un tel examen dans les suites immédiates du contrôle pour en remettre en cause les résultats”, la cour d’appel, qui a privé d’effet utile la possibilité de contestation du contrôle d’alcoolémie, a violé l’article L. 1235-1 du code du travail, ensemble l’article 6-2 du règlement intérieur ;

2°/ subsidiairement, qu’en estimant qu’il ne pouvait ”être tiré aucune conséquence du refus de l’employeur opposé au salarié lors de son premier entretien disciplinaire du 6 décembre 2015, soit plus de quinze jours après les faits, de faire procéder à un examen sanguin au titre de la contre-expertise prévue à l’article 6-2 du règlement intérieur” aux motifs que ”le salarié ne prétend pas avoir sollicité un tel examen dans les suites immédiates du contrôle pour en remettre en cause les résultats”, quand le règlement intérieur ne stipule pas que la demande du salarié doit nécessairement être formulée dans les suites immédiates du contrôle, la cour d’appel, qui a ajouté au texte une condition qu’il ne prévoit pas, a violé l’article 6-2 du règlement intérieur ;

3°/ Qu’aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l’engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction ; que le salarié soutenait qu’il ”n’a[vait] pas fait l’objet de sanctions disciplinaires durant les trois années précédant sa révocation” ; qu’en se fondant, pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, sur ”les précédents disciplinaires ou les signalements tels que résultant des rapports versés aux débats par son employeur”, sans vérifier, ainsi qu’elle y était invitée, si ces sanctions étaient prescrites, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1332-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Selon l’article 6-2 du règlement intérieur de la RATP, les salariés conduisant un véhicule, une machine dangereuse, manipulant des produits ou des outils dangereux, ou exerçant en tout état de cause un « métier/fonction de sécurité » (liste fixée en annexe du règlement intérieur) pourront faire l’objet d’un contrôle d’alcoolémie pour vérifier la présomption d’imprégnation alcoolique ou d’un test de dépistage de stupéfiants. (…) Les modalités de ces contrôles devront respecter le principe de confidentialité, et le salarié pourra demander une contre expertise.

6. Pour dire le licenciement du salarié fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d’appel, a d’abord constaté que le 24 novembre 2015, lors de sa prise de poste à 6 h 33, le salarié présentait un taux d’alcoolémie de 0,28 gramme par litre de sang. Elle a ensuite relevé que le 6 décembre 2015 l’employeur lui avait opposé son refus de faire procéder à un examen sanguin à titre de contre-expertise, prévue à l’article 6-2 du règlement intérieur, alors que le salarié ne prétendait pas avoir sollicité un tel examen dans les suites immédiates du contrôle pour en remettre en cause les résultats, ce dont elle a exactement déduit qu’il ne pouvait être tiré aucune conséquence du refus de l’employeur de faire procéder à cet examen biologique, dont l’objet est de permettre au salarié de contester les résultats du contrôle d’alcoolémie, ce qui impose que le prélèvement sanguin soit réalisé dans le plus court délai possible.

7. Ayant ensuite retenu qu’en l’absence du contrôle d’alcoolémie mis en place par l’employeur, le salarié s’apprêtait à conduire son bus sous l’emprise d’un état alcoolique susceptible de qualification pénale, elle a décidé dans l’exercice des pouvoirs qu’elle tient de l’article 1235-1 du code du travail, sans être tenue de procéder à une recherche que ces constatations rendaient inopérantes, que ce grief constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement.

8. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.

ECLI:FR:CCASS:2023:SO02137

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