Accessibilité handicapés et réglementation incendie.

Accessibilité handicapés et réglementation incendie dans les bâtiments existants : pas toujours simple

Joël Hovsepian – Sarl Precodia (ingénierie conseil) – Expert près la cour d’appel d’Aix en Provence |  le 02/01/2014  

Si les établissements recevant du public construits depuis l’entrée en vigueur de la loi du 11 février 2005, loi dite d’égalité des chances, intègrent dès la conception les exigences de cette réglementation, il n’en est pas de même pour les établissements existants, que ce soit au cours de travaux d’amélioration, agrandissement ou rénovation ou tout simplement dans l’optique du premier janvier 2015. Explications de Joël Hovsépian, expert près la Cour d’Appel d’Aix en Provence.

Les établissements recevant du public sont soumis aux dispositions de l’arrêté du 25 juin 1980 et des textes réglementaires spécifiques à leur activité en ce qui concerne la prévention du risque incendie et l’évacuation du public en cas de sinistre.

Depuis le 11 février 2005 et la loi dite d’égalité des chances et ses divers textes d’application, ces établissements sont également soumis aux dispositions réglementaires visant à les rendre accessibles aux personnes à mobilité réduite.

La mise en conformité des établissements recevant du public au regard de l’accessibilité handicapés doit intervenir au plus tard, selon la loi de 2005, au premier janvier 2015. Si les établissements recevant du public construits depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2005, intègrent dés la conception les exigences de cette réglementation, il n’en est pas systématiquement de même pour les établissements existants, que ce soit au cours de travaux d’amélioration, agrandissement ou rénovation ou tout simplement dans l’optique du premier janvier 2015.

Ces établissements existants doivent satisfaire aux préconisations de la loi de 2005 en cas de travaux réalisés soumis à permis de construire ou autorisation de travaux, et au premier janvier 2015 en tout état de cause.

Lors des travaux de mise en accessibilité des établissements recevant du public, se pose, dans certains cas, une difficulté technique et réglementaire qui en limite la réalisation et ne permet pas à l’exploitant de satisfaire aux exigences réglementaires auxquelles il doit se conformer.

1- La réalisation d’un accès pour les personnes à mobilité réduite

Garantir l’égalité des chances est synonyme d’accessibilité totale des bâtiments recevant du public, ce qui commence par l’accès au bâtiment.

A – Obligation réglementaire et solutions techniques

  
1.1 – Obligation réglementaire 

Issue de la loi du 11 février 2005 et des différents décrets d’application, reprise notamment dans les circulaires ministérielles, l’obligation réglementaire qui s’impose aux établissements recevant du public découle de l’article R 111-19-2 du code de la construction et de l’habitation et précise qu’ « est considéré comme accessible aux personnes handicapées, tout bâtiment ou aménagement permettant, dans des conditions normales de fonctionnement, à des personnes handicapées, avec la plus grande autonomie possible, de circuler, d’accéder aux locaux …. ».

Nous nous attacherons ici à l’obligation de garantir l’accès en toute autonomie des établissements recevant du public, autrement dit de permettre à toute personne, quel que soit son handicap d’en atteindre l’entrée et de pénétrer à l’intérieur de l’établissement sans difficulté, sans rencontrer d’obstacle.

Cette exigence, ce principe issu par la réglementation, ne présente aucun problème aux établissements installés de plain-pied, mais impose aux autres établissements d’avoir recours à des aménagements, des procédés techniques destinés à gommer le dénivelé naturellement crée soit par la voirie soit par  les chemins d’accès à l’établissement.

La réglementation relative à l’accessibilité impose une mise en conformité totale au premier janvier 2015 pour les établissements recevant du public des quatre premières catégories et de garantir l’accès à l’endroit où sont délivrées les prestations qui font l’objet de l’établissement pour les cinquièmes catégories.

Si les exigences sont différentes selon la catégorie de l’établissement considéré, la mise en conformité de l’accès à l’établissement s’applique et s’appliquera à tous les établissements quelle que soit leur catégorie ou leur type.

Si pour certains d’entre eux, la difficulté sera uniquement liée au financement de la solution retenue, pour d’autres, la problématique sera en plus d’ordre technique et juridique.

1.2 – Solutions techniques et problématiques

La réglementation précise que tout obstacle supérieur à deux centimètres doit être compensé ou éliminé afin de ne pas gêner ou empêcher à la progression autonome des personnes à mobilité réduite.

Dans la plupart des cas de figure, lorsque l’obstacle est constitué d’une ou plusieurs marches, la solution la plus facile consiste en la création d’une pente ou d’un plan incliné en lieu et place des marches. Cette pente répondant aux exigences réglementaires quant à sa largeur, son dénivelé et les caractéristiques de son revêtement.

Une telle réalisation ne pose généralement aucun problème technique. Cependant, certains établissements peuvent être confrontés à une difficulté  d’ordre juridique qui pourrait les empêcher de réaliser leur mise en conformité.

De nombreux établissements recevant du public, et plus particulièrement ceux installés dans les communes, notamment les commerces de proximité, ont une entrée qui se trouve directement sur la voie publique dont ils ne sont séparés que par une volée de marches.

La mise en place de la solution compensatrice que nous avons présentée plus haut, implique une installation sur la voie publique, sur le domaine public. Or, l’exploitant, le propriétaire ou tout simplement celui sur qui repose l’obligation d’accessibilité ne peut utiliser, à des fins privées, le domaine public de la propre initiative. 

Il devra solliciter de l’administration et des pouvoirs publics l’autorisation d’occuper le domaine public.

Si la demande de dérogation répond aux conditions d’obtention posée par le droit administratif aux articles L 2121 et suivants du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques, celle ci pourra recevoir un avis favorable et permettre la création de l’aménagement prévu.

Cependant, le régime juridique de cette autorisation n’en fait pas la solution à l’accès des établissements recevant du public.

B – Une solution juridique incomplète : l’occupation du domaine public

1.1 – Les caractéristiques de l’aménagement

Les aménagements faisant l’objet d’une demande d’occupation du domaine public doivent avoir les caractéristiques suivantes selon les articles L. 2122-2 et L. 2122-3 du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques :
– respecter les règles d’hygiène
– présenter une certaine qualité
– laisser libre accès aux immeubles voisins et préserver la tranquillité des riverains
– ne pas causer de gêne pour la circulation des piétons et notamment les personnes à mobilité réduite.

Si les trois premières conditions ne posent aucun problème lorsque l’on réalise une pente, il n’en est pas forcément de même pour la quatrième dont le respect peut être source de problèmes.

La création d’une pente aux fins de supprimer une ou plusieurs marches peut conduire à la création d’un ouvrage pouvant atteindre plusieurs mètres de long en fonction de la hauteur de la dénivellation.

Qu’il soit réalisé perpendiculairement ou parallèlement à l’entrée, l’ouvrage va ainsi empiéter sur le domaine public, créant un obstacle sur le cheminement des piétons, de la voie publique ou trottoirs.

Cet aménagement entrainera de fait la non conformité de la voirie aux règles d’accessibilité qu’elle doit respecter en réduisant sa largeur en deçà des valeurs réglementaires.

1.2 – Les caractéristiques de l’autorisation, difficulté à la mise en accessibilité

Dans le cas où l’occupation du domaine public est accordée par l’autorité administrative et que le problème évoqué plus haut est contourné et résolu, les caractéristiques juridiques de l’autorisation pourront poser problème et entraîner une difficulté supplémentaire.

L’autorisation qui est donnée d’occuper le domaine public revêt les caractéristiques suivantes :
– personnelle
– précaire
– révocable

Une autorisation personnelle signifie qu’elle est incessible. Ainsi, dans le cas d’une cession du local commercial, du fonds de commerce ou en cas de changement de locataire, dans le cas d’un bail, cette autorisation devra être sollicitée à nouveau avec à risque potentiel de ne pas l’obtenir. L’établissement perdrait ainsi sa conformité.

Une autorisation révocable signifie que celle-ci peut être retirée à tout moment par l’autorité de délivrance, ce qui interdit de considérer la solution mise en oeuvre comme définitive et pérenne.

Enfin, pour satisfaire à ces contraintes, à ces conditions, il convient de préciser que l’aménagement devra être escamotable, démontable ou déplaçable, ce qui ne correspond pas exactement à l’esprit de la réglementation sur l’accessibilité handicapé pour qui la permanence des aménagements est une condition de leur efficacité et de leur utilisation.

L’accessibilité d’un établissement peut ainsi trouver une limite dans le mécanisme juridique qui doit en assurer la réalisation. Cependant, si par extraordinaire cet écueil était contourné,  la mise en conformité de ces établissements peut également devenir difficile en raison de la juxtaposition et du respect de deux normes réglementaires pouvant s’avérer contradictoires.

2- Accès et évacuation, deux impératifs parfois contradictoires

A – L’opposition réglementaire

1.1- La contrainte réglementaire

En parallèle de la réglementation relative à l’accessibilité handicapé, les établissements recevant du public sont soumis aux dispositions de la réglementation relative à la prévention des risques d’incendie issue de l’arrêté du 25.06.1980 et des nombreux textes d’application. L’un des objectifs essentiels de cette réglementation est d’assurer une évacuation rapide et efficace des occupant en cas d’incendie.

Cet objectif est notamment satisfait par l’obligation de posséder des dégagements ou des issues de secours en nombre suffisant et dont la largeur doit concourir à ce but.

Le nombre et la largeur des dégagements varient selon la surface de l’établissement et le nombre de personnes qui sont accueillies dans celui-ci[8]. Les établissements les plus importants doivent justifier de plusieurs dégagements. Les petits établissements ne sont généralement redevables que d’un seul dégagement.

Les exigences de cette réglementation correspondent parfaitement au cas des établissements les plus petits dont le dégagement est généralement confondu avec l’entrée de celui-ci.

L’accessibilité handicapés commande un accès praticable par tous et plus particulièrement l’accès principal et usuel de l’établissement.

1.2– Une double exigence qui engendre une difficulté

Comme nous l’avons évoqué plus haut, la création d’une pente ou d’un aménagement va être rendu difficile, voire impossible, à cause du domaine public et des conditions restrictives de son occupation, par essence temporaire.

L’exploitant pourra donc, pour respecter cette obligation, se tourner vers des matériels et aménagements permettant de satisfaire à l’obligation d’accessibilité sans emprise sur le domaine public. C’est notamment le cas de l’emploi des élévateurs mobiles et autres ascenseurs extérieurs.

Bien que permettant de contourner cette difficulté, la solution d’installer un élévateur, en lieu et place ou au niveau des marches ou du ressaut rendant impossible l’accessibilité de l’établissement, est génératrice d’une autre problématique.

Un élévateur ainsi installé rend inutilisable l’espace du dégagement et ne permet plus de le considérer comme tel au regard de la réglementation relative aux établissements recevant du public qui exige que les dégagements soient en permanence libres et accessibles .

Les établissements les plus importants pourront contourner cette difficulté s’ils disposent d’un nombre suffisant de dégagements et d’un nombre d’unités de passage supérieur aux exigences réglementaires .

Cependant, dans le cas des petits établissements ne disposant que d’une sortie sur l’extérieur, l’élévateur devra nécessairement être positionné en lieu et place de la sortie actuelle ou dans le volume du dégagement, ce qui va avoir pour conséquence de supprimer celui-ci ou d’en réduire la largeur en deçà des exigences réglementaires.

Ainsi, dans ce cas de figure, l’exploitant se retrouve une fois de plus confronté à une problématique qui lui impose de faire un choix entre deux dispositions réglementaires et leur respect : soit il satisfait à son obligation de mise en accessibilité et ne respecte plus l’impératif de vacuité et de dimensions du ou des dégagements de son établissement, soit il se conforme aux préconisations de la prévention incendie et ne satisfait pas à celles de la réglementation sur l’accessibilité

Face à cette problématique, l’arsenal juridique actuel ne permet pas d’apporter une solution, même avec la possibilité de dérogation telle que prévue dans la réglementation .

B – Un choix difficile

Même si le droit ne régit pas par dérogation, il est usuel qu’une disposition réglementaire ou législative prévoit ce cas de figure.

En matière de prévention, des dérogations peuvent effectivement être accordées par les commissions départementales sur des points particuliers de la réglementation afin d’adapter le texte aux réalités de l’établissement.  Ces dérogations sont délivrées, après examen, à condition de ne pas réduire le niveau de sécurité des établissements concernés et sont généralement accompagnées de mesures compensatoires.

L’évacuation des établissements recevant du public fait partie des dispositions qui permettent de garantir le niveau de sécurité d’un établissement. Elle constitue le point central de la réglementation contre les risques de panique et un outil essentiel de la prévention des risques.

Il est peu envisageable, pour ne pas dire inconcevable, qu’une commission départementale de sécurité puisse délivrer une dérogation visant à autoriser la réduction, voire la suppression d’une issue de secours ou d’un dégagement.

Il convient donc, d’envisager la possibilité d’une telle dérogation au niveau de l’accessibilité et des commissions chargées de son application.

La réglementation sur l’accessibilité prévoit également des cas de figure dans lesquels il est possible de solliciter une dérogation à l’exigence de mise en conformité. Ces conditions, réglementairement définies, portent sur l’impossibilité d’aménager en raison de la structure du bâtiment, d’un classement du bâtiment au patrimoine français.

Cependant, l’on imagine difficilement qu’une commission autorise une requérant à ne pas créer d’accès handicapé, puisque celui-ci est l’essence même de la réglementation.

De même, les problématiques liées à l’occupation du domaine public ou la prédominance d’une exigence réglementaire ne sont pas prises en compte dans la possibilité de solliciter une dérogation.

L’on se retrouve donc, de facto, dans un cas de figure où la technique ne permet pas de d’obtenir la conformité recherchée en ce qu’elle se heurte au droit et dans celui où les réglementations applicables créent elle même une difficulté liée à leur application.

Au terme du délai imparti pour réaliser les aménagements, de nombreux établissements vont se retrouver en position délicate, ne pouvant réaliser la mise en conformité de leur établissement pour des raisons indépendantes de leur volonté.

La doctrine devra se saisir de cette problématique pour tenter d’en dégager une solution juridique et, avant que l’administration ne tranche ces questions.

La jurisprudence pourra également, par ses décisions, fournir aux autorités et acteurs de ces procédures, un guide de réflexion permettant d’apprécier et de définir la conduite à tenir en de pareils cas.

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