jurisprudence

La faute inexcusable de l’employeur doit se prononcer sur l’action (récursoire) de la CPAM.

Cassation 2e civile, 13 octobre 2022, n° 21-15.035

 

Audience publique du 13 octobre 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1052 F-B
Pourvoi n° B 21-15.035
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2022

 

La caisse primaire d’assurance maladie des Flandres, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 21-15.035 contre l’arrêt rendu le 11 mars 2021 par la cour d’appel de Douai (chambre 8, section 3), dans le litige l’opposant à la [4], société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la caisse primaire d’assurance maladie des Flandres, de la SARL Le Prado – Gilbert, avocat de la [4], et l’avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l’audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Douai, 11 mars 2021), le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille a reconnu la faute inexcusable de la [4] (l’employeur) à l’origine de la maladie professionnelle et du décès d’un de ses salariés (la victime), a ordonné la majoration de la rente servie au conjoint survivant et a fixé les préjudices personnels subis par la victime de son vivant ainsi que les préjudices moraux de ses ayants droit. L’employeur ayant refusé de rembourser à la caisse primaire d’assurance maladie des Flandres (la caisse) le capital représentatif de la majoration de la rente versée au conjoint survivant, celle-ci a fait pratiquer une saisie-attribution à son encontre.

2. L’employeur a saisi d’un recours un juge de l’exécution.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l’arrêt de confirmer la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée à l’encontre de l’employeur, alors :

« 1°/ que les juges ont l’interdiction de dénaturer les documents de la cause ; qu’en retenant essentiellement, pour justifier sa décision, que le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du 24 septembre 2015 se serait borné à décider que la majoration de rente due au conjoint survivant de la victime lui serait versée directement par la caisse, sans mentionner la possibilité d’une action récursoire, tandis que le dispositif de ce jugement dit sans restriction ni réserve, après avoir ordonné la majoration de la rente servie au conjoint survivant de la victime et fixé les préjudices personnels subis par celle-ci de son vivant, que la caisse fera l’avance des sommes allouées avec possibilité d’action récursoire à l’encontre de l’employeur, ce qui prévoit ainsi clairement l’exercice de cette action récursoire pour l’ensemble des sommes ainsi allouées, dont la majoration de rente, la cour d’appel a méconnu le principe susvisé ;

2°/ qu’il résulte des articles L. 452-2, alinéa 6, L. 452-3 et D. 452-1 du code de la sécurité sociale, que la majoration de rente allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l’employeur est payée par la caisse primaire d’assurance maladie, qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices nés de la faute inexcusable de l’employeur ; que la caisse dispose ainsi de plein droit, par ces textes, d’un recours subrogatoire à fin de récupérer sur l’employeur les compléments de rente et indemnités dus par lui à la victime dont elle a fait l’avance, et sans qu’il y ait lieu qu’elle sollicite l’exercice de ce droit ou qu’il soit spécialement ordonné par un juge ; qu’en disant que la caisse primaire d’assurance maladie des Flandres ne peut, afin de récupérer auprès de l’employeur le capital représentatif des dépenses qu’elle a engagées au titre de la majoration de rente, se prévaloir devant le juge de l’exécution d’un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du 24 septembre 2015, au motif que ce jugement se serait borné à décider que la majoration de rente due au conjoint survivant de la victime lui serait versée directement par la caisse, sans mentionner la possibilité d’une action récursoire qui ne ferait ainsi pas l’objet d’un titre exécutoire fondant la saisie-exécution, la cour d’appel a violé par fausse application les textes susvisés, ensemble les articles L. 211-1 et R. 121-1 alinéa 2 du code de procédure civile (lire : code des procédures civiles d’exécution) ;

3°/ qu’il résulte des articles L. 452-2, alinéa 6, L. 452-3 et D. 452-1 du code de la sécurité sociale, que la majoration de rente allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l’employeur est payée par la caisse primaire d’assurance maladie, qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices nés de la faute inexcusable de l’employeur ; que la caisse dispose ainsi de plein droit, par ces textes, d’un recours subrogatoire à fin de récupérer sur l’employeur les compléments de rente et indemnités dus par lui à la victime dont elle a fait l’avance, et sans qu’il y ait lieu qu’elle sollicite l’exercice de ce droit ou qu’il soit spécialement ordonné par un juge ; qu’en disant que la caisse primaire d’assurance maladie ne peut, afin de récupérer auprès de l’employeur le capital représentatif des dépenses qu’elle a engagées au titre de la majoration de rente, se prévaloir devant le juge de l’exécution d’un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du 24 septembre 2015, au motif qu’il n’apparaît d’ailleurs pas que la caisse ait saisi ce tribunal des affaires de sécurité sociale d’une demande en ce sens, la cour d’appel a violé derechef, par fausse application, les textes susvisés, ensemble les articles L. 211-1 et R. 121-1 alinéa 2 du code de procédure civile (lire : code des procédures civiles d’exécution). »

Réponse de la Cour

4. Ne constitue pas, au sens de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution, un titre exécutoire au bénéfice de l’organisme social, la décision qui reconnaît la faute inexcusable de l’employeur sans se prononcer sur l’action récursoire que les articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale réservent à la caisse primaire d’assurance maladie à son encontre pour la récupération des compléments de rente et indemnités qu’elle a versés à la victime.

5. Ayant relevé que le jugement du 24 septembre 2015 ne s’est pas prononcé sur l’action récursoire de la caisse en ce qui concerne la majoration de rente, la cour d’appel en a, hors toute dénaturation, exactement déduit qu’en l’absence d’un titre exécutoire fondant la saisie-attribution, sa mainlevée devait être ordonnée.

6. Le moyen n’est, dés lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Condamne la caisse primaire d’assurance maladie des Flandres aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d’assurance maladie des Flandres et la condamne à payer à la [4] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d’assurance maladie des Flandres

Le moyen reproche à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par la caisse primaire d’assurance maladie des Flandres Dunkerque Armentières à l’encontre de la SA [4] entre les mains de la [2], suivant un procès-verbal du 9 septembre 2019, dénoncé le 16 septembre 2019,

1° ALORS QUE les juges ont l’interdiction de dénaturer les documents de la cause ; qu’en retenant essentiellement, pour justifier sa décision, que le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du 24 septembre 2015 se serait borné à décider que la majoration de rente due au conjoint survivant de M. [P] [X] lui serait versée directement par la caisse, sans mentionner la possibilité d’une action récursoire, tandis que le dispositif de ce jugement dit sans restriction ni réserve, après avoir ordonné la majoration de la rente servie au conjoint survivant de M. [P] [X] et fixé les préjudices personnels subis par M. [P] [X] de son vivant, que la Cpam fera l’avance des sommes allouées avec possibilité d’action récursoire à l’encontre de la [4], ce qui prévoit ainsi clairement l’exercice de cette action récursoire pour l’ensemble des sommes ainsi allouées, dont la majoration de rente, la cour d’appel a méconnu le principe susvisé,

2° ALORS QU’il résulte des articles L. 452-2, alinéa 6, L. 452-3 et D. 452-1 du code de la sécurité sociale, que la majoration de rente allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l’employeur est payée par la caisse primaire d’assurance maladie, qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices nés de la faute inexcusable de l’employeur ; que la caisse dispose ainsi de plein droit, par ces textes, d’un recours subrogatoire à fin de récupérer sur l’employeur les compléments de rente et indemnités dus par lui à la victime dont elle a fait l’avance, et sans qu’il y ait lieu qu’elle sollicite l’exercice de ce droit ou qu’il soit spécialement ordonné par un juge ; qu’en disant que la Cpam des Flandres ne peut, afin de récupérer auprès de la [4] le capital représentatif des dépenses qu’elle a engagées au titre de la majoration de rente, se prévaloir devant le juge de l’exécution d’un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du 24 septembre 2015, au motif que ce jugement se serait borné à décider que la majoration de rente due au conjoint survivant de M. [P] [X] lui serait versée directement par la caisse, sans mentionner la possibilité d’une action récursoire qui ne ferait ainsi pas l’objet d’un titre exécutoire fondant la saisie-exécution, la cour d’appel a violé par fausse application les textes susvisés, ensemble les articles L. 211-1 et R. 121-1 alinéa 2 du code de procédure civile,

3° ALORS QU’il résulte des articles L. 452-2, alinéa 6, L. 452-3 et D. 452-1 du code de la sécurité sociale, que la majoration de rente allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l’employeur est payée par la caisse primaire d’assurance maladie, qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices nés de la faute inexcusable de l’employeur ; que la caisse dispose ainsi de plein droit, par ces textes, d’un recours subrogatoire à fin de récupérer sur l’employeur les compléments de rente et indemnités dus par lui à la victime dont elle a fait l’avance, et sans qu’il y ait lieu qu’elle sollicite l’exercice de ce droit ou qu’il soit spécialement ordonné par un juge ; qu’en disant que la Cpam des Flandres ne peut, afin de récupérer auprès de la [4] le capital représentatif des dépenses qu’elle a engagées au titre de la majoration de rente, se prévaloir devant le juge de l’exécution d’un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille en date du 24 septembre 2015, au motif qu’il n’apparaît d’ailleurs pas que la caisse ait saisi ce tribunal des affaires de sécurité sociale d’une demande en ce sens, la cour d’appel a violé derechef, par fausse application, les textes susvisés, ensemble les articles L. 211-1 et R. 121-1 alinéa 2 du code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2022:C201052

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