jurisprudence

Retard dans la mise en place des mesures de prévention …

Arrêt n° 308 F-D
Pourvoi n° R 20-17.666
Aide juridictionnelle totale en demandeau profit de Mme [T].
Admission du bureau d’aide juridictionnelle près la Cour de cassationen date du 16 mars 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 MARS 2023

Mme [B] [T], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 20-17.666 contre l’arrêt rendu le 16 octobre 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l’opposant au syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 2], représenté par son syndic, la société JPM immobilière dont le siège est [Adresse 3], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de Mme [T], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat du syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 2], après débats en l’audience publique du 7 février 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Salomon, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 16 octobre 2018) et les productions, Mme [T] a été engagée en qualité de gardienne d’immeuble le 1er septembre 1976 par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 2].

2. A l’issue d’un arrêt de travail pour maladie, la salariée a été déclarée apte à son poste le 9 novembre 2010 par le médecin du travail, avec les réserves suivantes : « aménager impérativement une rampe pour sortir et rentrer les poubelles car pas de possibilité de soulever manuellement les containers pesant plus de quinze kgs ».

3. La salariée a de nouveau été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 3 décembre 2010.

4. A l’issue de deux examens en date des 28 septembre et 12 octobre 2012, elle a été déclarée « inapte à son poste, apte à un autre poste, à reclasser dans un poste sans port de charges de plus de 5 kgs, sans ménage, sans sortie des poubelles » par le médecin du travail.

5. Licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 8 novembre 2012, la salariée a saisi la juridiction prud’homale de demandes relatives à l’exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens

6. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes tendant à juger que son licenciement était nul pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat et compte tenu du fait que son inaptitude avait pour origine ce non-respect et obtenir la condamnation de l’employeur à lui verser des sommes à titre d’indemnité pour licenciement nul et de dommages-intérêts distincts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail, alors « que l’employeur, tenu envers ses salariés d’une obligation légale de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs doit en assurer l’effectivité et justifier avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; qu’en constatant que le document unique d’évaluation des risques établi le 10 janvier 2005 préconisait de veiller à la mise en place d’une rampe pour faciliter le transport des containers et que le syndicat des copropriétaires, employeur de Mme [T], n’avait pas procédé dès 2005 à l’installation de cette rampe mais posé un rail sur l’escalier situé dans la cour intérieure de l’immeuble le 7 décembre 2010, – ce dont il résultait que l’employeur n’avait pas mis en oeuvre les mesures de prévention prévues dans le document unique d’évaluation des risques pendant plus de cinq ans et qu’en 2010, il ne l’avait fait que très partiellement – , et en déduisant néanmoins que l’employeur justifiait avoir pris les mesures nécessaires à faire cesser l’exposition de Mme [T] au danger de sorte qu’il convenait de rejeter ses demandes, la cour d’appel, qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, L. 4121-2 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et L. 4121-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-873 du 4 août 2014. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 4121-1, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, et L. 4121-2, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, du code du travail :

8. Il résulte de ces dispositions que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés.

9. Pour rejeter les demandes de dommages-intérêts et tendant à juger que le licenciement de la salariée était dépourvu de cause réelle et sérieuse pour manquement à l’obligation de sécurité, l’arrêt relève d’abord que l’employeur a respecté les mesures de prévention en justifiant de la rédaction le 10 janvier 2005 d’un document unique d’évaluation des risques (DUER), élaboré en concertation avec la salariée, qui évalue comme moyen le risque lié aux opérations de manutention manuelles effectuées et qui préconise la mise en place d’une rampe afin de faciliter le transport des containers.

10. Il retient ensuite que si l’employeur n’a pas procédé dès 2005 à l’installation de la rampe, il établit avoir fait procéder à la pose d’un rail sur l’escalier situé dans la cour intérieure de l’immeuble le 7 décembre 2010 afin de faciliter la sortie des containers, en application d’une délibération de l’assemblée des copropriétaires du 13 octobre 2010, mettant ainsi en oeuvre les préconisations du médecin du travail du 9 novembre 2010 et avoir donc pris les mesures nécessaires à faire cesser l’exposition de la salariée au danger.

11. En se déterminant ainsi, sans rechercher si, en l’absence de réalisation de la rampe prévue au DUER de 2005 afin de faciliter le transport des containers et la pose tardive d’un rail sur l’un des escaliers de l’immeuble en décembre 2010, l’employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de la salariée, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs , la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déboute Mme [T] de sa demande de dommages-intérêts au titre du manquement à l’obligation préalable d’information des motifs de l’impossibilité de reclasser la salariée et de ses demandes fondées sur la violation des dispositions de l’article 18 de la convention collective nationale applicable, relatives à l’amplitude horaire et temps de pause, l’arrêt rendu le 16 octobre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 2] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 2] et le condamne à payer à la SARL Delvolvé & Trichet la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:SO00308

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